LES RÉCOLLETS DU BIEZ


Il y avait avant la Révolution de I789, un couvent de Récollets dans la paroisse de Le Biez, canton de Fruges,
arrondissement de Montreuil. On ne connaissait jusqu'ici que très imparfaitement son histoire. Harbaville, dans
son Mémorial du Pas-de-Calais (t. 11, P. 122), lui a consacré quatre lignes : " En 1474, dit-il, Jean du Biez, chevalier
de Saint-Jean-de-Jérusalem, établit en ce lieu un couvent de Récollets qui fut institué par une bulle du pape Sixte
IV. L'église et le monastère furent restaurés en 1506 par les libéralités de François de Créquy. " Un autre
écrivain, qui aurait pu suivre correctement ces indications, a cru mieux faire de dire (Dictionnaire historique du
Pas-de-Calais, Montreuil,
p. 162), que jean du Biez vivait en I570 et que néanmoins le couvent qu'il a établi fut
institué par le pape nommé plus haut, mort en 1484....
La vérité est que la fondation du couvent des Récollets du Biez date de l'an I464, et qu'il faut l'attribuer à la
duchesse de Bourgogne Isabelle de Portugal, troisième femme de Philippe le Bon et mère de Charles le
Téméraire. C'est cette princesse qui, fort affectionnée à l'ordre des Frères Mineurs, avait contribué, vingt
ans auparavant, à l'établissement des Cordeliers dans la Basse-ville de Boulogne. Jean du Biez ne fit que
seconder ses intentions, en affectant à la fondation nouvelle un terrain qui faisait partie de son domaine et où
il y avait eu jadis un ermitage. Rien n'empêche que cette donation ait été faite en I474, bien qu'il soit plus
vraisemblable d'en faire remonter l'acte dix ans plus tôt, pour concorder avec la date des lettres patentes
expédiées par Isabelle. Quant à l'approbation donnée à l'œuvre par le pape Sixte IV, elle n'a pu avoir lieu
qu'après l'avènement de ce pontife à la chaire de St- Pierre, c'est-à-dire après le 25 août I471. Faute d'avoir
pris la peine de vérifier ses assertions à la lumière des tables chronologiques les plus élémentaires, l'auteur est
tombé dans un grossier anachronisme. Il était, d'ailleurs, coutumier du fait ; et c'est lui qui, dans une autre
publication, fait travailler en l'an 1013 l'hagiographe Surius, né en 1522 ! (1)
Je ne veux point, - et les matériaux nécessaires ne sont pas à ma disposition, - faire ici l'historique du couvent
du Biez, où les Récollets furent substitués, on ne sait comment, aux Frères Mineurs, communément désignés
sous le nom de Cordeliers. Ce que je viens en dire aux lecteurs du Cabinet historique, est pour servir
d'introduction à une page de dom Du Crocq (2). Ce laborieux compilateur nous a laissé, en effet, quelques
renseignements utiles à connaître, pour les origines de cette humble maison religieuse. Ils suppléeront à
l'indigence des historiens locaux sur la matière.
Je me contente d'y ajouter que le village du Biez ne porte ce nom que depuis la fin du XVe siècle. On l'appelait
auparavant Saint-Vest, ou Saint-West, traduction populaire du vocable de son église, Sanctus Vedaslus, Saint-
Vaast. C'est sous ce nom, en sa forme latine, qu'il figure dans le pouillé d'Alard Tassard, au doyenné de
Fauquembergues, où M. Courtois l'a voulu confondre avec celui du village d'Hestrus (3) ; et nous le trouvons, en sa
forme française, dans le procès-verbal de ses coutumes, Saint-West (1507), et dans la partition de Thérouanne,
Sainct-Vest-Royon (4), ou Saint-Weest et Royon (5) (1559). Le nom du Biez était celui de ses seigneurs, sans
que je puisse dire s'il était attaché, ou non, à une portion quelconque de son territoire. Laissons maintenant la parole
à dom Du Crocq, qui rattache incidemment cette notice, comme digression, à ce qu'il venait de dire auparavant
touchant l'histoire de S. Bertulphe et du culte que l'on rendait à ce saint personnage dans le bourg de Renty.




(1) Vie et pèlerinage de Saint-josse-sur-Mer 3e édition, revue avec soin, Arras, I, 75, in-8, P. 46.
(2) Recherches historiques sur l'ancien pays des Morins, manuscrit de I700-1715, in-f°, pp . 657, 658.
(3)Dictionnaire géographique de l'arrondissement de Saint-Omer, p. 8 5.
(4)Edition de la Société académique de Boulogne, Mémoires, t. VI, P. 345.
(5)Édition des Bibliophiles belges, p. 6.






NOTE SUR LES RÉCOLLETS DU BIEZ

" L'abbaye de Renty ne subsiste plus, et ce que les guerres en ont laissé ne fait plus qu'un petit Prieuré (1). On ne
laisse pas de reverer beaucoup [son fondateur, S. Bertufphe] dans la paroisse de Saint-Vast (2) , où il est depeint
avec vn liüre à la main et vne bource où il porte la main droite, pour faire veoir sa tendresse et sa charité pour les
pauvres, que l'on imite en ce lieu, donnant tous les ans, le jour de sa feste, une aumone de mille pains : belle maniere
d'honorer la fête de ce grand Saint !
" Comme Dieu n'abandonne iamais les ames qui luy sont fideles, il n'a pas non plus abandonné les habitants de
Renty, il leur a donné, au defaüt de l'abbaye de S. Bertoül, vn couuent de Saint Francois qui n'en est pas éloigné et
que l'on nomme la maison des Reuerends Peres Recollets du Biéz (3). Le Biéz appartenait autrefois à Messire jean,
cheualier et seigneur de cette terre ; mais il la ceda comme ie m'en vay uous le monstrer. Vous sçaurez donc
qv'Isabelle fille du Roy de Portugal, duchesse de Bourgogne, de Lorraine, de Brabant, de Limbourg, comtesse de
Flandre, d'Artois, de Bourgogne, Palatin (sic) d'Haynaült, d'Hollande, de Zélande, de Namur, marquise du Saint
Empire, dame de Frise, de Salins et de Malines, fonda le 16 octobre 1464 le couuent du Biéz ; de laquelle fondation
fut passé l'acte dans son chasteau de La Motte, situé au bois de Nieppe.,
" Cette Princesse fit cette fondation en l'honneur de S. Francois d'Assise et de S. Antoine de Pade qui étoit de son
païs (4) , et en faueur des freres mineurs, comme porte le titre de la fondation, que le R. P. gardien Du Biez
m'envoia à Samer [sçavoir qv'elle uouloit établir dans l'Ermitage du Biez, que Jean du Biéz, dit le titre, en
obtempérant à notre désir et requête, a libéralement, perpétuellement et à tousiours cédé, donné, transporté et
delaissé iceluy lieu et tout le pourpris dudit Ermitage, ainsy qu'il se comporte et étend].
" Ces freres mineurs n'y sont pas cependant à présent. Il y a apparence qv'ils se sont accommodés auec les Peres
Recollets, puisque ceux cy sont dans ce couuent, et que le R. Pere Sohier de Dixmude, vicaire général dudit ordre, a
établis des freres et autres personnes de uotes pour y venir demeurer, faire célébrer le divin seruice et y maintenir
la bonne obseruance, voulant qu'ils ioüissent de tous droits, pardons, franchises, priuileges et immunités, comme les
autres couuents de la même Religion : Si prions (aioüte la fondatrice) et requérons tres instamment à nos tres chers
et tres aimés fils et filles les comtes et comtesses de Charollois, leurs successeurs et ayants causes, d'aider en
édifice, réparation et nécessité ledit couuent, à fin qv'ils puissent auoir loyer perdurable en la gloire du Ciel. Signé
ISABELLE.
Au chastel de la Motte, le 16 oct. I464 "

(1)Voir dans la 146e livraison du Bulletin des Ant. de la Morinie, les chartes de ce prieuré.

(2)C'est le vocable de l'église paroissiale actuel. Le prieuré était dédié à S.Denis et à S. Bertulphe, ou Bertoul, honoré aussi à Fruges et à
Doudeauville.

(3)Il y eut, outre cela, un couvent de Récollets à Renty même, fondé au commencement du XVIIe siècle par un seigneur de la famille des ducs
d'Egmont.

(4) S. Antoine, dit de Pade ou de Padoue, est né à Lisbonne.



L'ABBÉ D. HAIGNERÉ.




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