MONTREUIL-SUR-MER

HOSPICES SAINT-JULIEN LE PAUVRE, NOTRE-DAME

ET SAINT-JACQUES DU MARTROY



MONTREUIL et sa banlieue ont possédé au moyen âge plusieurs établissements charitables destinés à recevoir
les « poures passans mendians » qui, sous le prétexte de vénérer les reliques des saints déposées dans les
sanctuaires, pèlerinaient de ville en ville, de province en province, de royaume en royaume et qui ne pouvaient,
faute de ressources, se procurer un gîte dans les auberges.
Pour n'être que d'une importance secondaire, ces hospices ne rendirent pas moins alors d'inappréciables services.
Malheureusement une obscurité grande règne sur leur passé, au point que l'emplacement de l'un d'eux a jusqu'à
présent été vainement recherché ; que l'existence probable d'un autre n'est révélée que par un lieu dit qui s'est
conservé jusqu'au milieu du XVIIe siècle et que, pour tous, ce n'est qu'en étudiant l'histoire de maisons similaires sur
lesquelles on a des données certaines qu'aujourd'hui il est possible de dire en quelques mots ce qu'ils ont été.
Dès une époque qu'on ne saurait préciser, mais qu'on peut croire très lointaine, deux de ces maisons, placées
sous le vocable de Saint-Julien le Pauvre, ont vraisemblablement existé à Montreuil et dans sa banlieue, l'une à
Beaumerie, l'autre dans la paroisse Saint-Jean en Sainte-Austreberte, au pied même du château.
Ainsi situées en dehors de l'enceinte, à toute heure de la nuit ces maisons étaient ouvertes au voyageur
attardé qui, de cette manière, n'avait point à redouter la fermeture des portes de la ville et toujours était sûr d'y
être parfaitement « hostelé et hiébergié. »
Enfin, à ces hospices, qui sous plus d'un rapport remplissaient le but que poursuit de nos jours l'Œuvre de
l'hospitalité
de nuit dans quelques grandes villes, était joint souvent un chauffoir public dont « 1huis estoit toudis
ouvert pour les poures aler et venir au fu. (1) »
L'époque de la fondation de l'hospice Saint-Julien le Pauvre ou l'hospitalier à Beaumerie est jusqu'à présent
restée inconnue. D'après nos, historiens, les premiers comtes de Ponthieu en auraient été les auteurs ; mais, eu
égard à l'emplacement qu'il occupait, ne devrait-on pas plutôt ne voir en eux que de puissants protecteurs et en
attribuer la création aux moines de Saint-Saulve qui, à l'exemple des religieux d'autres monastères, auraient établi
sur les dépendances de leur abbaye une maison aumônière destinée à y recueillir les pèlerins pauvres se rendant
à Montreuil pour y vénérer les célèbres corps saints mis en dépôt dans le trésor de leur église ?
Certains passages des manuscrits du frère Guillaume PoulIlin, maître de l'hôtel-Dieu Saint-Nicolas à Montreuil
dans la seconde moitié du XVe siècle, et divers titres et extraits de cueilloirs des XVIIe et XVIIIe siècles
déposés aux archives hospitalières de cette ville, nous permettent de démontrer que l'emplacement de l'hospice
Saint-Julien encore ignoré jusqu'à ce jour (2) est bien celui de la maison attenant à l'église nouvellement
construite.
D'après l' « Extrait d'un registre intitulé Papier déclaratif de tous les cens et rentes appartenans à
messieurs les Mayeurs et Eschevins de cette ville de Monstreuil sur la Mer, tant du patrimoine de ladite
ville que de ceux dépendans de la maison dit Val des malades et de l'hospital Nostre-Dame (1640),
la
maison et jardin qui souloient estre l'hospital Saint-Julien au village de Beaumerie », après avoir appartenu à un
nommé Robert Berte, étaient devenus, en 1633, la propriété d'un Jacques Mahieu (3) .
Le cueilloir rédigé en 1778 apprend également qu'à cette dernière époque un Alexandre Mahieu, badestanier
à Neuville, possédait « un manoir amazé de maison et autres bastimens, cour et jardin à Beaumerie nommé
l'hospital Saint-Julien , contenant une mesure environ (4), tenant d'une liste d'orient à Antoine Bernard, d'autre
liste d'occident à monsieur le baron de Torcy et d'autre bout au nord, au chemin de Montreuil à Hesdin (5). »
Or, il résulte de cette désignation jointe à celles données depuis, la fin du moyen âge jusqu'à la Révolution,
pour les immeubles entourant l'hospice Saint-Julien et sur lesquels I'Hôtel-Dieu Saint Nicolas percevait des
redevances, que cet hospice tenait :
Du nord, à l'ancienne route de Montreuil à Hesdin devenue simple chemin d'exploitation depuis rétablissement de
la route de Montreuil à Mézières ;

(1). Archives de la ville de Lille, série GG.
(2) Dict. hist. et archéol. du Pas-de-Calais, art. Beaumerie
(3) Archives hospitalières, liasse B99, case 8.
(4) Un titre de 1640 porte « une mesure de terre ou environ » et un autre de 1748 « deux mesures ou environ.
(5) B44, case 10.
Du midi, aux terres du baron de Torcy appelées le gardin du Val qui, en 1477, appartenaient à Jehan
Haquebarre, ledit gardin évalué 4 journaux de terre à prendre du chemin de Beaumerie à la ferme de Saint-
Nicolas dit chemin Barbacanne, jusqu'aux terres dites la Marlière, tenues aussi des religieux de Saint-Saulve
par le baron de Torcy (6) ;
Du levant, à la maison Bernard qui n'était autre que le tènement formant l'angle des chemins de Montreuil et de


Saint-Nicolas, et dont l'église actuelle occupe l'emplacement : en 1464, ledit « tenement amasé séant à Beaumery,
contenant demi journel ou trois quartiers de terre séant contre lospital de Beaumery, d'aultre costé au chemin qui maisne
à Saint-Nicolay par dessoubz chimentière, aboutant d'un bout au Flégard et d'autre bout au lieu Jehan Haquebarre qu'il
tient dudit hostel-Dieu (7) ; »
Et, du couchant, aux terres dites la Marliére sus mentionnées.
D'où l'on peut conclure avec certitude que l'hospice Saint-Julien était érigé sur l'emplacement de la maison
attenant à la nouvelle église de Beaumerie.
Quant à son histoire, les détails en sont complètement ignorés et tout ce, qu'on sait, c'est qu'il existait encore en 1372,
le religieux qui, avec le titre de maître, en était l'aumônier, ayant alors été contraint contre toute justice, de s'acquitter
envers David Tyrel, seigneur de Poix et de Brimeux, du droit de travers « pour une queute qu'il portoit parmi les pont et
vile de Brimeu (8) », c'est-à-dire pour un lit de plumes et une couverture dont il était redevable envers
certain seigneur du voisinage qui avait coutume d'exiger cette contribution de sus tenants roturiers pour coucher les
chevaliers qu'il recevait dans son château. Peut-être aussi allait-il tout simplement au secours de quelque malheureux.
Les divers passages des manuscrits de l'hôtel-Dieu reproduits ci-dessus (celui du cueilloir de 1464
principalement) et la vignette de celui de 1477 où dom Jacques Hanin, religieux de la Chartreuse de Notre-
Dame-des-Prés de Neuville, a représenté au chapitre concernant Beaumerie l'épisode de Saint-Julien le Pauvre
recueillant un lépreux, suffiraient peut-être même à faire reculer l'existence de l'hospice de Beaumerie jusqu'à
cette époque et aussi à porter à croire qu'il ne disparut qu'au cours des guerres qui dans la suite désolèrent la
contrée.
Tandis que l'hospice de Beaumerie était situé sur la route de Montreui1 à Hesdin, non loin de la grande voie
romaine d'Amiens à Boulogne, alors fréquentée par une multitude de passants, et tout auprès du champ des
religieux de Saint-Saulve où se tenait chaque année le Lendit ou Markiet-Saint-Mac1ou, à une autre extrémité de
la banlieue un hospice, également sous le vocable de Saint-Julien, parait avoir existé dans l'ancienne
circonscription de la paroisse Sainte-Austreberte (depuis le milieu du XVIIe siècle paroisse Saint-Firmin) près de
la porte extérieure du château et sur le chemin qui reliait cette forteresse à la voie romaine se dirigeant sur le bac
d'Attin.
Quelle destination attribuer, en effet, à la chapelle ou jardin Saint-Julien cité à différentes reprises dans les
manuscrits des XVe, XVIe et XVIIe siècles, sinon celle des hospices du moyen âge placés sous le même
vocable près des enceintes des villes de Lille, Amiens, Arras, Abbeville, Laon, etc., et n'est-ce pas le cas de
voir ici un de ces asiles alors si nombreux dont très souvent on ne connaît ni la fondation, ni les revenus, ni le
régime, mais qu'on peut croire fort pauvres, où quelques malheureux passants vivaient du produit d'un jardin, d'un
petit enclos et de quelques aumônes ?

L'hospice Saint-Julien de la paroisse Sainte-Austreberte, désigné sous le nom de chapelle en 1464 (9), de
jardin en 1477 (10), 1569 (11) et 1618 (12), se trouvait près de la porte extérieure du château où l'on voit encore
de nos jours les restes du pont connu sous le nom de Pont-à-rasoirs.
En effet, d'après les manuscrits, le « gardin Saint-Julien venoit à pointe vers le porte du castel entre deux
quemins », savoir : « le rue qui maisne de ledite porte du castel à la Magdalaine » et « le ruelle qui maisne
parderrière Saint-Julien, de le porte du castel à le Poullye », ainsi alors appelait-on le port.
Les dénominations diverses données dès le milieu du XVe siècle à l'hospice Saint-Julien dénotent que, depuis de
longues années déjà, cet établissement avait cessé d'être, au point que le souvenir de sa destination première
s'était effacé : sa position près des remparts l'exposait trop aux projectiles des ennemis pendant les guerres et,
vraisemblablement, il avait dû disparaître au commencement du XIVe siècle, par suite des désastres sans cesse
occasionnés par les Anglais qui, ne pouvant s'emparer de vive force de Montreuil, envoyaient leurs « marescaux
» jeter l'effroi dans le pays et « ardoir et essilier » les faubourgs et la banlieue.

(6) B44 et A4, case 10.
(7) A5, case 10.
(8) Cartulaire de Montreuil cité à l'art. Beaumerie du Dict. hist. et arch. Du Pas-de-Calais A5, case 10.23
(9)A5, case 10.
(10)A4, case 10.
(11)A6, case 10.
(12) B115, case10.



.
Ce qui semble confirmer cette assertion, c'est que l'érection au centre de la ville des hospices Notre-Dame
et Saint-Jacques, pour venir en aide aux étrangers malheureux de passage à Montreuil, remonte à cette époque
et, ce qui en outre prouve la substitution successive de l'hospice Notre-Dame aux hospices Saint-Julien, c'est
l'absorption certaine par l'hospice Notre-Dame des revenus plus ou moins considérables de l'hospice Saint-Julien
de Beaumerie (13).

L'hospice Notre-Dame fut fondé par les maïeur et échevins vers le milieu du XIVe siècle pour servir de
refuge aux vieillards de la ville et aux pèlerins qui la traversaient. Situé rue du Chêne-Notre-Dame, depuis dite de
la Chaîne, il occupait derrière l'ancien hôtel de ville l'emplacement de l'École communale des filles actuellement
dirigée par des soeurs de la Providence. L'échevinage affecta pour son entretien une dotation d'un revenu annuel
de 30 livres parisis sur les fonds de la ville et s'en réserva la direction.

Une aussi louable entreprise ne pouvait que rencontrer les plus précieux encouragements. Le pape Clément
VI la plaça sous la protection du Saint-Siège et permit en outre l'érection d'une chapelle dont le titulaire fut à la
nomination du magistrat. De leur côté, les évêques d'Amiens, entre lesquels figure Jean Avantage, favorisèrent
de tout leur pouvoir une institution qui ne pouvait que contribuer au maintien de la foi, en rendant plus facile la
fréquentation des nombreux pèlerinages établis sur tout le territoire.
En 1349, Jehan Cécille et Marie, sa femme, donnèrent deux muids de grains à l'hospice Notre-Dame « nouveau
fondé ». Vers la même époque, le roi Philippe VI lui accorda des lettres d'amortissement et de sauvegarde (14).
Pierre de Roussent, bourgeois de Montreuil, et sa femme, sont considérés comme étant les « grants bienfaiteurs
» de l'hospice Notre-Dame et de l'hôtel-Dieu Saint-Nicolas (15).
Par son testament du 11 novembre 1404, Pierre de Roussent légua en effet à ces deux établissements
charitables pour en jouir, chacun par moitié, un fief noble d'une grande importance à Enocq, tenu de la famille de
Hodicq « par c sols parisis de relief et XXXIV sols IV deniers de chambellage » ;
Un fief non moins considérable sur Waben, Groffliers, Conchil-le-Temple, etc., tenu de la seigneurie de
Fauquembergue « par LX sols de relief et autant de droites aides quant eles echéent » ;
Enfin, une redevance due par les religieux de l'abbaye de Dommartin et consistant en 5oo anguilles dont
deux grosses de poing et poulch, à cause de leurs molins, pesqueries et avalisons de leurs molins de Nempont et
Tigny, et che au terme de Toussains, lesquelles ils doibvent livrer sur le lieu et mander se elles sont prestes, et
doibvent estre blanches et vives (16).»
A la suite de diverses démarches faites auprès de lui, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, consentit en 1431 à
accorder des lettres d'amortissement pour tous ces biens en faveur des deux hospices (17).
D'un bail à rente de la cense d'Énocq passé au profit de Baudin Robbe et de sa femme, il résulte que Colart
de Pardieu était « maistre et gouverneur de lospital Nostre-Dame en Monstroeul » en 1455 (18).
C'est sous l'administration de ce gouverneur que Guillaume le Rat, procureur au bailliage de Montreuil, et
Perrine Danel, sa femme donnant à l'hôtel-Dieu Saint-Nicolas, le 14 décembre 1465, un fief tenu de la seigneurie
de Fauquembergue et consistant en 25 setiers et 1 mine de blé à prendre sur la cense, de Brunehautpré,
appartenant aux religieux de Saint-André au Bois, stipulèrent dans leur testament au profit de l'hospice Notre-
Dame une réserve de 3 mines de blé que le maître de ce dernier établissement devait « venir quérir »
annuellement à l'hôtel-Dieu (19).
Simon de la Rue, en 1476, et Adarn d'Estrées, en 1487, sont désignés chacun dans les titres comme « lun des
conseillers controleurs de ladite ville et commis par Nous (mayeur et échevins) au gouvernement de lhospital
Nostre-Dame (20). »
Le 9 novembre 1505, Martin Édouart, l'un des curés de Notre-Dame, reçut le testament de Pierre Danel dit
le Moine, par lequel ce dernier laissait une somme de 8 sous à l'hospice Notre-Dame (21).
En 1520, Guillaume Meignot administrait cet établissement (22).


(13)B99, case 8.
(14)A3, case 1ère.
(15) A4 et A5, case 10.
(16) A4, case 10 et B41, case 5.
(17)A3, case I et B41, case 5.
(18) A5, case 10.
(19) B99, case 7.
(20) B40, case 5.
(21) B97, case 7.
(22) B16, case 3.
Le zèle des pèlerins s'étant refroidi, l'hospice Notre-Dame, qui avait eu beaucoup à souffrir des sièges de
Montreuil en 1537 et en 1544, paraît avoir cessé d'exister à la suite de ces événements.
Le maïeur, qui de tout temps en avait eu la direction, en employa dès lors les revenus à l'administration de la
ville, droit qui lui fut reconnu par le roi Henri II en 1547 (23).
Toutefois l'ancien hospice continua d'avoir son administrateur particulier pris chaque année dans le sein de
l'échevinage, tels furent Robert Viollier (24) et Robert Roussel en 1564 (25), Guillaume Eurin en 1572 (26),
Nicolas du Fumier en 1573 (27), etc.
Après les sièges qui détruisirent de fond en comble leur couvent situé près des remparts, non loin de la porte
Becquerel ou des Célestins (28), les Carmes, qui étaient les prédicateurs de la ville et enseignaient gratuitement
le latin aux enfants, furent autorisés à se retirer dans les bâtiments encore existants de l'ancien hospice Notre-
Dame (29).
Ils y restèrent jusqu'en 1598, époque où le maïeur dut les contraindre à prendre possession de leur nouveau
couvent érigé sur un terrain qu'ils avaient acheté depuis longtemps déjà à Robert Gorguette (30) et sur
l'emplacement de l'hôtel des sires de Montcavrel que l'un de ceux-ci, Jehan de Monchy, leur avait donné (31) en
même temps que Geoffroy de la Marthonye, évêque d'Amiens, mettait à leur disposition l'église paroissiale de
Saint-Wulphy rendue inutile par suite de la dépopulation de la ville occasionnée par la peste de 1596 (32).
Une partie des classes établies par eux à l'hospice Notre-Dame y fut maintenue néanmoins sous le nom, de
collège ainsi qu'il sera dit bientôt.

(23) A3, case 1.
(24) B41, case 5.
(25) B16, case 3.
(26) B41 case 5.
(27) B16, case 3.
(28) Les Célestins du couvent d'Amiens percevaient certaine redevance sur une pièce de terre située prés de cette porte : de là le nom de porte des
Célestins. A5, case 10.
(29) Dict. hist. et archeol. du Pas-de-Calais, art. Montreuil.
(30) A6, case 10, B78 et B79, case 6.
(31) Pierre de Monchy, seigneur de Montcavrel, représentant de la noblesse du Boulonnais aux États généraux tenus à Tours en 1484, avait acquis
cet hôtel le 17 Juillet 1480. B99, case 8.
(32) Les Carmes accolèrent les bâtiments de leur monastère au « grand portait de leur église, anciennement appelée Saint-Wulphy », supprimant
ainsi la ruelle « qui perce dans la petite rue (dite rue de Toulouse et aujourd'hui porte Becquerel) » le long des murs du jardin de Sainte-Austreberte
« qui estoit anciennement le cimetière » Sainte-Austreberte. B99, case 8. C'est dans cette église que les électeurs du bailliage de Montreuil se
réunirent pour la nomination des députés aux États généraux de 1789.

Reconnus « comme fondateurs et légitimes administrateurs » de l'hospice Notre-Dame par jugement de la Charité
chrétienne du 24 janvier 1609, confirmé le 20 septembre 1614 par la Chambre de Réformation générale des hôpitaux
et maladreries de France (33), les échevins en jouissaient paisiblement, mettant les greniers dudit hospice à la
disposition du fermier de l'ancienne maladrerie du Val qui, par contre, était tenu d'en entretenir les couvertures (34),
lorsque, en exécution de l'édit de 1672, un arrêt de la Chambre royale du 16 juin 1674, réunissant l'hospice Notre-
Dame, les maladreries du Val, de Beaurain et de Cavron à l'ordre de Notre-Dame de Mont-Carmel et de Saint-
Lazare, établit au Val une commanderie (35) dont messire Gabriel de Chalus, sieur de Fresnay, vint peu de temps
après prendre possession (36) et qui passa successivement entre les mains du marquis Jean-Louis de Cadrieu,
capitaine-major du régiment de Bourgogne (37), et de messire Emmanuel du Bourcq, comte de Bezalo, maréchal des
camps et armées du roi (38).
En vain l'échevinage jeta-t-il les hauts cris, en vain, après avoir épuisé les supplications, mit-il en œuvre toutes les
subtilités des avocats et des procureurs qui le composaient, il n'obtint rien. Loin de là, un arrêt du 23 juin 1679 confirma
le premier, déclara que l'on avait bien eu l'intention de réunir à l'ordre de Saint-Lazare l'hospice Notre-Dame, comme
tout le reste, et fit défense aux échevins de troubler le commandeur dans sa possession (39).
Cependant Louis XIV cédant aux scrupules de Mme de Maintenon et du père de la Chaise qui jugeaient, avec
raison du reste, que les biens attribués à un ordre religieux devaient l'être plutôt aux pauvres des localités, révoqua, en
1693, l'édit que Louvois lui avait fait rendre en 1672. Ce revirement rendit l'espoir aux maïeur et échevins : ils
envoyèrent à Paris une députation chargée de faire valoir les droits de la ville sur les hospices, mais tous leurs efforts
ne purent empêcher qu'un arrêt du Conseil du 13 juillet 1695, confirmé par lettres patentes de janvier 1696 ne
prononçât la

(33) A3, case 1.
(34) B34, case S.
(35) A3, case 1.
(36) A3, case 1.
(37) B34, case 5.
(38) B34 et B36, case 5.
(39) A3, case 1.

réunion à l'hôtel-Dieu de Montreuil des hospices formant la commanderie du Val. L'échevinage ne se laissa pas abattre :
il plaida, prétextant que l'hospice Notre-Dame n'avait pas été expressément mentionné dans les lettres de 1696, et sut
ainsi retarder la réunion définitive jusqu'en 1721 pour l'hospice Notre-Dame. Encore mit-il tant d'entraves à l'exécution
des lettres que Louis XV avait octroyées à l'hôtel-Dieu le 28 février 1721, sur un arrêt du Conseil du 3 décembre
précédent, que celles-ci ne furent enregistrées par le Parlement que le 22 juillet 1724 sur les instances les plus vives des
soeurs de l'hôtel-Dieu et de Pierre Sabattier, évêque d'Amiens, auprès du président Lamoignon. Tout ce que la ville put
obtenir fut le maintien du collège dans les bâtiments de l'hospice Notre-Dame, sauf par elle à s'acquitter d'une redevance
annuelle de 20 sous envers l'hôtel-Dieu (40).
Après la suppression du collège causée par la dispersion des Carmes au commencement de la Révolution,
l'ancien hospice Notre-Dame servit de caserne de gendarmerie jusqu'au moment de l'installation de l'École communale
de filles dans ses bâtiments.

Comme pour l'hospice Notre-Dame, l'origine de l'hospice Saint-Jacques du Martroy semble devoir remonter
au XIVe siècle. De cette époque datent, en effet, la plupart des hospices créés sous ce vocable dans les villes
voisines.
Les pèlerinages étaient alors en vogue et plusieurs bourgeois de Montreuil qui avaient fait le pèlerinage de Saint-
Jacques de Compostelle, bâton à la main et coquilles au chapeau (voir la vignette du manuscrit de 1477), s'étaient
formés en confrérie. Le produit des aumônes qu'ils recueillaient comme prix des voyages qu'ils entreprenaient en
Galice pour les malades ou pour les morts, et les legs nombreux qui leur étaient attribués leur permirent d'acheter
près de l'église Saint-Jacques et du Martroy un terrain sur lequel ils firent bâtir un hospice qui prit le nom de
Saint-Jacques du Martroy, à l'effet d'y loger et héberger les pèlerins qui se rendaient en Espagne et assister les
autres passants des deux sexes.
Les confrères le desservaient eux-mêmes et y entretinrent un aumônier jusqu'au jour où les revenus de cet
asile furent réunis à la fabrique de l'église paroissiale de Saint-Jacques.
Dans ses derniers temps, l'hospice Saint-Jacques avait perdu en partie son caractère de maison de charité.
Ainsi
voit-on les confrères de Saint-Jacques figurer comme auteurs dramatiques dans les comptes de l'échevinage. Les
désordres qui accompagnaient souvent les représentations théâtrales et la décroissance extraordinaire du nombre des
pèlerins rendirent nécessaire la fermeture de cet établissement qui n'avait plus sa raison d'être (41).


L.-M.-A. BRAQUEHAY


(EXTRAIT DU Cabinet historique de l'Artois et de la Picardie ; janvier 1887.)



(40) A2 et A3, case 1, et H7, case 9
(41) Louandre - Histoire d'Abbeville et du comté du Ponthieu, t. I, p.326, t. II, p. 501, et Dict. hist. du Pas-de-Calais, arr. Montreuil, p.
377
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