Or, cette crosse est évidemment la même que celle dont parle le R. P. Simon Martin dans sa vie de sainte
Austreberte : " La feste de saincte Julienne se célébre, dit-il, l'onziesme octobre avec office solemnel en l'église de SaincteAustreberte à Monstreül où son corps vénérable a esté transféré dès longtemps, et maintenant, il y est enfermé dans une châsse en laquelle il fut posé la dernière fois par Nicolas de la Cousture, évesque d'Hébron, religieux de l'ordre de Sainct-François et suffragant de Monseigneur l'illustrissime François de Halluyn, éuesque d'Amiens, l'an de grâce mil cinq cens trois, le quatriesme jour de May. On garde aussy en ceste mesme châsse comme un précieux reliquaire, la pauvre crosse de saincte Julienne qu'on croyoit plutost estre sa première houlette quand elle estoit bergère que le baston pastoral d'une abbesse. "
Dans une communication à M. de Linas, M. Charles Henneguier a, il est vrai, avancé, d'après le journal de
l'abbaye, que le bâton de 1767 différait de la crosse dite de Sainte-Julienne à présent conservée séparément dans un étui. Mais la version donnée par M. Ch. Henneguier diffère essentiellement du passage du manuscrit reproduit plus haut. D'où l'on peut conclure que, retirée de la châsse de sainte julienne en 1767, la crosse dite de cette sainte ne fut point replacée dans la nouvelle et qu'alors seulement elle fut mise dans l'étui en bois où elle se trouve actuellement.
M. de Linas a donné la description suivante de ce précieux objet dans le tome Ier de la Statistique
monumentale du Pas-de-Calais ;
" Cette crosse, si l'on doit l'appeler ainsi, consiste, dit-il, en un bâton en chêne poli de 1m 2o de longueur, et
d'environ 0m 025 de diamètre, légèrement recourbé par le haut, comme les cannes rustiques dont l'usage est encore si répandu, et revêtu en entier d'une lame d'argent fixée au moyen de clous rivés du même métal; la surface cylindrique qui en résulte est ornée de neuf baguettes plates en cuivre doré, espacées et divisées en trois séries de hauteurs inégales, que déterminent quatre viroles ou spérules aussi en cuivre doré; chaque baguette est rehaussée de pierres cabochons et d'accolades doubles en filigrane; le même système de décoration, mais plus riche et plus pressé, serpente autour de la volute, tube conique formé de quatre pièces soudées entre elles; seule la partie inférieure qui se termine en pointe et dénuée d'ornements.
" Il ne faut pas croire, cependant, que la vénérable relique nous ait été transmise par les siècles aussi intacte qu'on
pourrait le désirer, ajoute M. de Linas; outre la disparition de deux spérules, d'un certain nombre de verroteries et de la presque totalité de l'argent, il est à regretter que la volute brisée ait été grossièrement rajustée, sur la hampe, à l'aide de fil de laiton et d'une lame de cuivre estampé, dont les caractères prouvent suffisamment que le méfait dût être commis vers 1537, au milieu du désordre, sorte inévitable de la prise de Montreuil par les comtes de Buren et de Roeux, généraux de l'empereur Charles-Quint. Toutefois ces dégradations partielles n'empêchent pas l'observateur attentif de reconstituer, dans son ensemble, notre rare et curieux monument."
M. de Linas se demande ensuite si la crosse dite de SainteJulienne est véritablement une crosse, si réellement elle
a appartenu à cette abbesse, et quelle date il est possible de lui assigner. D'après ses recherches, ce savant et regretté archéologue inclinait à voir dans cette crosse un bâton abbatial ayant pu appartenir à sainte Julienne, c'est-à-dire devant remonter à la seconde moitié du IXe siècle, lorsque M. Lassus, architecte de Notre-Dame de Paris, déclara formellement et à diverses reprises dans le Bulletin du Comité des Arts (48), que l'objet en question ne datait que du XIIIe siècle, avis que partageaient aussi quelque temps après MM. Didron et Gaucherel (49).
Mais il est démontré aujourd'hui par des miniatures de manuscrits, principalement celles du Sacramentaire
d'Autun par le dessin reproduit dans l'ouvrage de Dom Félibien, de la volute d'une crosse que l'abbaye de Saint- Denis possédait avant la Révolution, et surtout par le chanoine Bock qui a décrit une crosse conservée au château de Quedlinbourg (Prusse saxonne) et offrant plus d'un rapport avec celle de Montreuil, qu'aux IXe et Xe siècles, les hauts dignitaires de l'ordre de Saint-Benoit se servaient de bâtons semblables à celui dit de Sainte-Julienne, les crosses proprement dites étant réservées aux seuls évêques.
Le tau de saint Pierre de Tarentaise conservé à la cathédrale de Moutiers, et le bâton liturgique de l'abbé Hélie,
l'une des pièces les plus curieuses du trésor de l'église collégiale de Saint-Nicolas, à Bari (Deux-Siciles), bien que moins ancien que le bâton abbatial de Montreuil, en sont de nouveaux exemples. En effet, la forme d'une canne leur est commune, la hauteur en est à peu près la même et ils se terminent par une pointe qui est très effilée.
Chez les uns comme chez les autres sont donc réunis les caractères du bâton pastoral indifféremment nommé
pedum parce qu'il ressemble à la houlette du berger qui est recourbée à l'une de ses extrémités pour saisir et ramener les brebis, et ferula, du verbe ferio " je frappe ", parce que le pasteur doit quelquefois user de sévérité envers ses ouailles (50).
Ce double symbole du bâton pastoral, ainsi défini par saint Grégoire de Nazianze, se trouve aussi interprété de
même dans la formule de bénédiction pour les crosses des abbesses dans le Pontifical d'Arles : Accipe baculum pastoralis officii, ut sis in corrigendis vittis pie soeviens et cum irata fueris misericordiae memoreris; et dans celle du Pontifical de Sens ainsi conçu : Accipe baculum pastoralitalis quem preferas catervae tibi commissae ad exemplum justae severitatis et corectionis (51).
Enfin, dernièrernent encore, il a trouvé sa traduction littérale dans cette inscription gravée sur un bâton
abbatial découvert lors de l'ouverture du tombeau de l'abbé Guillaume, inhumé eu 1107 dans l'ancienne église de Fécamp, et signalé par M. de Longpérier dans la séance du 1er octobre 1875 de la Société des Antiquaires de France : Baculus consolationis, Virga correctionis.
Un court examen du bâton abbatial de Montreuil suffit pour voir combien le symbolisme traditionnel y est
fidèlement rendu, d'abord par la courbe légère qui exprime, comme le dit si bien Mgr Barbier de Montault pour la boule terminale de la partie supérieure de celui de Bari et le tau de saint Pierre, la consolation spirituelle, le soutien que les moines trouvent dans le gouvernement paternel de leur abbé, puis par la pointe qui le montre corrigeant les rebelles et stimulant les retardataires (52).
Les religieuses de Sainte-Austreberte, ou le voit, ne se trompaient donc pas autant qu'on pouvait le penser
lorsque, lors de la translation des restes de sainte Julienne dans une nouvelle châsse en 1503, sous la prélature de Marguerite de Wailly, elles crurent reconnaître la houlette de cette sainte " quand elle estoit bergère " plutôt que le bâton pastoral d'une abbesse dont le type, à cette époque, avait profondément changé; et c'est aussi avec raison que M. de Linas et, après lui, le R. P. Arthur Martin dans ses Mélanges archéologiques, n'avaient accepté qu'avec les plus expresses réserves, l'avis émis par M. Lassus en 1853.
En résumé, il ressort de ce qui précède que les objets portés sous les numéros 1 à 17 inclusivement, 21, 22 et 24
de l'Inventaire dressé par M. le chanoine Van Drival, proviennent de l'église abbatiale de Sainte-Austreberte. C'était tout ce que contenait le trésor de cette abbaye. Dans ce nombre, deux reliquaires seulement ont été détruits pendant la tourmente révolutionnaire. Aussi ne peut-on mieux achever cette étude qu'en exprimant ici sa gratitude envers ces femmes qui parvinrent, en des temps bien difficiles, à sauver ces saintes reliques que vénérèrent nos pères, ces reliquaires, chefs-d'oeuvre d'un autre âge, pour les léguer au trésor de l'église paroissiale de Saint-Saulve, aujourd'hui l'un des plus riches dépôts sacrés de la contrée. Mais combien faut-il regretter qu'une mort prématurée n'ait point permis à M. le chanoine Van Drival de donner la dernière main a ces monographies qu'il se proposait de consacrer aux richesses artistiques de l'ancienne abbatiale de Sainte- Austreberte, devenues depuis celles de l'église de Montreuil " dont on parle peu, disait-il, et sur laquelle pourtant il y aurait tant à dire. "
LES OFFICES PARTICULIERS
DE L'ABBAYE DE SAINTE-AUSTREBERTE
En 1262, sous l'abbesse Marguerite de Sanghen et sous l'épiscopat de Bernard d'Abbeville, évêque d'Amiens, et
de Pierre de Doye, évêque de Thérouanne, qui tous deux furent placés au rang des bienfaiteurs de l'abbaye, les religieuses Mahaut d'Argies et Jehanne de Tuillières firent composer par un auteur dont le nom est resté inconnu des proses et des hymnes en l'honneur de sainte Austreberte. Ces chants sont parvenus jusqu'à nous ainsi que les litanie de la sainte qui, si souvent, retentirent sous les voûtes d l'église abbatiale, à la demande des mayeurs et échevins et de la population pour implorer du Ciel la cessation soit de la guerre, soit de la disette, soit de la peste et de tant d'autres calamités qui, trop souvent, hélas ! désolèrent la contrée pendant le cours du moyen âge.
Le 3 décembre 1664, François Faure, évêque d'Amiens donna son approbation aux offices que Dom Hugues
Vaillant, religieux bénédictin de la Congrégation de Saint-Matin, composa sur le désir exprimé par l'abbesse Madeleine-Angélique Gouffier (53). Ces offices, parus dès l'année suivante, :sont ainsi intitulés : Les Offices particuliers de l'abbaye Royale de Sainte-Austrberte, ordre de Saint -Benoîts. Mis en ordre et imprimez par les soins de Madame Magdelaine-Angélique Gouffier, Abbesse de cette abbaye. d Paris, cher Lavrent Ravenav, au Carrefour de Sainte- Geneuiefue, à la Talmouze. M. DC. LX V. Avec la permission des supérieurs.
Voici l'énumération de ces offices :
IANVIER Le 13. L'inuention du corps de saint Firmin, éuesque et martyr. Double majeur.
Le 17. Saint Sulpice, éuesque et confesseur. Double k cause des Reliques.
Le 28. Saint-Antoine, abbé. Double.
FÉVRIER Le 5. Sainte Agathe, vierge et martyre. Double à cause des Reliques.
Le 9. Sainte Appolline, vierge et martyre. Demi-double à cause des Reliques.
Le 10. Sainte Avstreberte, vierge et abbesse, Patronne de cette abbaye. Double de première classe avec
Octaue.
Le 11. Sainte Scholastique, vierge. Double de seconde classe.
Le 27. L'Octane de sainte Avstreberte. Double.
Le 28. L'Octane de sainte Scholastique. Double.
La Feste de sainte Véronique se célèbre avec office, double le Mardy de la Quinquagésime.
MARS Le 3. Saint Waloy, abbé. Double.
MAY Le 17. Sainte Frimeuse ou Framehilde, mère de sainte Avstreberte. Double de première classe à cause de
son corps qui repose en ce lieu.
Le 26. Saint Honoré, évesque et confesseur. Double majeur.
IVILLET Le 2. Dimanche, la Dédicace des Églises de tout le Diocèse. Double majeur de première classe avec octave.
AOVST Le 16. Saint Roch, confesseur. Double à cause de ses Reliques.
Le 18. Sainte Hyacinthe, confesseur. Double. Mémoire des Octaues et de Saint Agapit. .
SEPTEMBRE Le Ier. Saint Firmin, éuesque et confesseur. Double majeur.
Le 2. Saint Leu, éuesque et confesseur. Double à cause de ses Reliques.
Le 16. Saints Corneille et Cyprian, papes et martyrs. Double à cause des Reliques.
Le 17. Saint Justin. Double à cause des Reliques.
Le 18. Les Stigmates de saint François. Demi-double.
Le 24. La Vigile de saint Firmin, martyr, auec jeusne.
Le 25. Saint Firmin, éuesque et martyr. Double majeur.
OCTOBRE Le premier dimanche de ce mois, Nostre Dame dit Rosaire. Double majeur.
Le 9. Saint Denys et ses Compagnons, martyrs. Double à cause des Reliques.
Le 11. Sainte Iulienne, vierge de Pavilly.
Double de première classe h cause que son corps repose en ce lieu.
Le 19. La Translation de Nostre .Bienheureuse Mère sainte Avstreberte. Double de première classe
avec Octaue.
Le 29. Saint Saulve, éuesque et confesseur. Double à cause de ses Reliques.
DÉCEMBRE Le 4. L'Illation de saint Benoist. Double.
Le 11. Saints Fucian, Victoric et Gentian, martyrs. Double majeur.
Le 12. Saint Damase, pape. Demi-double.
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Vers l'an 1025, l'abbesse Hildeburge obtint de Richard III, duc de Normandie, par l'entremise de son père et
d'Eustache, comte de Boulogne, le transfert des reliques de sainte Austreberte de Pavilly à Montreuil. Lors de leur invention vers 1080, sous l'abbesse Ide, fille cadette de Guillaume, comte de Ponthieu et de Montreuil, ces reliques, enveloppées dans une précieuse étoffe due à la générosité d'un riche marchand de Montreuil nommé Wallon, furent recouvertes d'une peau de cerf, don d'un seigneur des environs. En 1212, l'abbesse Marguerite d'Henneveux enrichit ce reliquaire de nouveaux ornements, mais ce fut seulement à la suite d'un appel fait à la piété des fidèles par l'abbesse Imberge, avec l'autorisation de Guillaume de Joinville, archevêque de Rheims, et l'appui de seize des principaux abbés des monastères de la contrée, que les restes de la sainte furent déposés dans une chasse réellement digne de leur renommée. Imberge voulant toutefois rendre hommage au zèle de l'abbesse de Henneveux, qui l'avait précédée dans le culte de sainte Austreberte, plaça en même temps dans la nouvelle châsse cette inscription perdue dès la première moitié du siècle dernier, mais dont heureusement on a conservé le texte
Che saichent chil ki ore sont et qui ne sont, ke nul ne mescroye ke li cors nre Dame sainte Austreberte ne soit en cheste
fierte ke li abbeesse Margerie de Hanewe hi estoit a chel tans abbeesse de l'Esglise le fist rentrer, si ke ele le vit et ses guens et le refist moult bellement remettre si ke ele treuua en cuir de cherf et fist parer le fierte dor et de argent. Che fut a ce tans Hounere ki estoit Apostoles de Roume et au tans Euerart ki estoit Euesque de Amiens, et au tans Phelippon de Gounesse ki estoit Roi de Franche mil et deux cens et vingt deux el mois de septembre (43).
La châsse consacrée à sainte Austreberte par Imberge renferma les principaux restes de cette sainte du mois
de septembre 1222 au 17 août 1631, époque où l'abbesse Charlotte-Cécile de Monchy la remplaça par une autre châsse richement brodée d'or et d'argent qui le fut a son tour, le 6 novembre 1636, par une autre, oeuvre d'Adam Pijart, orfèvre à Paris. Cette dernière, dit M. l'abbé Meunier d'après l'acte de la translation, " était un coffre de bois recouvert de lames et de tablettes d'argent sur lesquelles se voyaient ciselées merveilleusement les principales actions de l'illustre vierge; l'artiste lui avait donné la forme d'un temple soutenu par huit colonnes d'argent dont les bases, les pyramides et les chapiteaux étaient de bronze doré ; huit chérubins de même métal l'entouraient; une croix et des lis d'or en couronnaient le faîte. " Elle fut détruite lors de l'auto-da-fé du 29 vendémiaire an II.
2°. Une grande partie du chef de saint Sulpice non enchâssée.
Nouvelle châsse en bois numéro 22 de l'inventaire.
Diverses églises se faisaient gloire de posséder des reliques de ce saint archevêque de Bourges " telle qu'entre
les autres la paroisse de Villefranche au pays de Conflans vers le fleuve Testhin (44), se réjouit d'en retenir le chef; ce que toutefois l'abbaye de Sainte-Austreberte à Monstreuil sur la Mer, au diocèse d'Amiens, ne luy accorde pas du moins tout entier parce qu'elle en possède la plus grande partie en un riche reliquaire en vermeil pour lequel elle célèbre avec raison l'office solennel de ce saint archevesque (45). "
De ce reliquaire il ne reste plus à présent que quelques beaux cabochons en cristal de roche et cette inscription
sur lame d'argent rappelant qu'il avait été exécuté sous l'abbesse Marguerite d'Escoffen en 1426 : Hoc fecit recondi caput sancti Supplicii (sic) archiepiscopi Bituricensis D. na Marguarita abbatissa hujus ecclesiae Anno Domini millesimo quadragentesimo vicesimo sexto.
Dans sa Vie parfaite et immaculée de saincte Austreberte, p. 522 Simon Martin donne, d'après la Gallia
Christiania, les renseignements suivants sur la présence de ces reliques de saint Sulpice à l'abbaye des Bénédictines de Montreuil : " Marguerite V Descoffen, qui fut vne abbesse très vigilante tant pour le temporel de son abbaye que pour le spirituel de ses filles, fit enchâsser richement vne partie du chef de sainct Sulpice archeuesque de Bourges, dict le Débonnaire, qui luy avoit esté donné par la faveur de Mathilde, comtesse de Boulongne, mère de Robert de Genève, Euesque de Teroüenne, qui depuis fut nommé Clément VII contre Urbain VI, pape légitime; Clément estoit néanmoins reconneu pape légitime en France, sous la minorité du Roy Charles VI. Il fit plusieurs exploits à Bourges, d'où il leua comme il y de l'apparence. Ceste partie du chef de sainct Sulpice, qu'il donna à sa mère Mathilde pour l'abbaye de Saincte-Austreberte à Monstreül, où sa mémoire est honorée dans le martyrologe en qualité d'une bienfaitrice singulière: Ce reliquaire fut fait l'an 1426 que Philibert de Saux occupoit le siège Episcopal d'Amiens... "
3 ° Le chef de sainte Austreberte. Reliquaire en cuivre doré numéro 4 de l'Inventaire. Cette portion des
restes de sainte Austreberte fut extraite de la grande chasse et placée dans un reliquaire spécial le 19 octobre 1294, Marguerite de Brunembert étant abbesse. Celui qui les renferme à présent, remarquable par sa simplicité, paraît être du XVIe siècle et mériterait d'être reproduit par le dessin. M. l'abbé Van Drival en donne la description suivante : " Sur un large pied de calice à six lobes et une tige ornée d'un noeud également six côtes, repose une boîte à six côtés, à pans ouverts avec laces, surmontée d'un toit avec galerie antérieure. Sur le toit s'élève une lanterne à six faces aussi ornées de glaces, et de la lanterne surgit un petit clocheton central et terminal. La boîte renferme le chef de sainte Austreberte; la lanterne contient une autre relique insigne. "
4° Un os de la jambe de la même sainte renfermé dans un reliquaire en argent en forme de jambe, numéro
16 de l'Inventaire.
Au moyen âge, époque éminemment pratique, dont nous devrions autant que possible raviver les traditions en
ce qu'elles ont d'utile, le reliquaire prenait toujours la forme de la partie du corps qu'il devait renfermer. Le fidèle était ainsi dés l'abord averti par la forme extérieure de la nature de la relique exposée.
5 ° Une petite châsse où sont les manches et linges de sainte Austreberte. Coffret en argent du XVIIe
siècle, numéro 6 de l'Inventaire.
D'après le P. Simon Martin, " plusieurs embrasemens ont esté esteins dans la ville de Monstreül, par la seule
aspersion de quelques gouttes d'eau, où les manchettes de saincte Austreberte, desquelles elle a nettoyé autrefois un four embrasé, avoient esté trempées, ou par la présence de quelqu'vnes de ses reliques. Ce qui arrive aussi souvent que le feu se prend à la ville, qui y est fort suiette. " Cette châsse doit contenir également la ceinture de la sainte, objet d'un culte particulier.
6° Un os du bras de sainte-Julienne renfermé dans un reliquaire en bois. en forme de bras et doré, numéro
17 de l'Inventaire. Cette relique de sainte Julienne, ancienne abbesse de Pavilly, avait été transférée à Montreuil sous l'abbesse Hildeburge, en même temps que celles de sainte Austreberte.
7° Un os de saint Benoit. Monstrance en argent du XVIIe siècle. Le disque est soutenu par un chérubin à six
ailes. Au pied sont gravés l'écusson et le nom de la famille de Gouffier. Ce reliquaire, numéro 10 de l'Inventaire, a été restauré en 1880.
8° Machoire de saint Leu. Reliquaire numéro 1 de l'Inventaire que M. le chanoine Van Drival décrit de la
manière suivante :
" L'objet qui arrête tout d'abord nos regards est un magnifique reliquaire émaillé, d'une parfaite conservation ou
plutôt d'une fraîcheur et d'une vivacité extrême de couleurs.
" Ce reliquaire est de forme de coffret. Il mesure environ 0m22 de long sur 0m16 de haut et 0m09 de large. Ce
petit coffret est surmonté d'un toit, forme très commune du Xe siècle au XIIe ; voici quelle en est l'ornementation.
" Sur un des grands côtés et sur le toit correspondant sont posées six figurines dorées, style sévère du XIe
siècle. Elles sont assises. Elles représentent des prêtres et des évêques tenant des livres de diverses manières. Deux tiennent leur livre de deux mains ; quatre les tiennent d'une main, l'autre main est levée, l'index seul est ouvert sauf celle du milieu où l'on voit la main entière. Toutes ces statuettes assises ont 1a tête nue; leurs yeux sont en émail et vivants; l'ensemble revêt cette majesté pleine de calme souvent remarquée dans les oeuvres de cette époque. Le relief des figurines est très prononcé ; la matière, comme celle de tout le reliquaire, est de cuivre rouge doré. Ce cuivre est appliqué à l'aide de clous, sur une âme en chêne, qui est le coffret proprement dit, le reste étant l'ornement ou le revêtement du coffret ou de l'arca, système primitif, traditionnel, remontant à l'arche du désert, comme nous l'avons établi ailleurs. (Exposition de Lille, Revue de l'art chrétien, 1874.)
" Le fond est émaillé d'une manière très brillante à la fois et fort harmonieuse, en émaux champlevés. Ce sont
des ronds avec quatre feuilles inscrites, des lignes de losanges avec des ronds, le tout alterné. Le ton principal de l'émail est bleu foncé. Il y a ensuite le vert bleu oriental (si beau dans les tapis de Smyrne), le vert, le rouge, le jaune, le blanc, le noir ou bleu très foncé, le bleu gris. C'est d'une exécution fort habile et d'une grande douceur de tons.
" L'autre face porte une ornementation toute différente. Le toit est, en effet, décoré de trois lignes divisées
chacune en dix carrés avec quatre feuilles, et l'ensemble est entouré d'une bordure de petites croisettes d'or sur fond d'émail alternativement bleu et rouge : il y a sept ou huit croisettes sur un même fond, puis autant sur l'autre fond, et ainsi de suite. Quant à la partie verticale ou planches du coffre de ce côté du reliquaire, elle n'existe plus; à une époque de mauvais goût et d'inintelligence des vrais conditions du mobilier sacré, on l'a enlevée pour la remplacer par une vitre
" Les pignons sont intacts. Sur l'un on voit une figure debout, nimbée d'un nimbe crucifère. Cette figure tient un
livre de 1a main droite, l'autre main est levée, les pieds sont nus. Une belle gloire elliptique (ovale pointu) l'entoure. Sur le fond du pignon se dessinent des ronds émaillés avec roses et quatre-feuilles tout autour. La bordure de ces mêmes pignons est semblable à celle du toit, avec cette différence qu'ici les fonds sont noirs et rouges au lieu d'être rouges et bleus. L'autre pignon est orné de la même manière ou très peu de différence près. La main gauche de la figure est levée, mais l'index seul est ouvert : l'ornement du nimbe n'est pas absolument certain.
" Ce reliquaire renferme l'os maxillaire inférieur de saint Leu archeuesque .... La crête du toit est enlevée; il
reste trois trous où étaient sans doute, soit les soutiens de la crête, soit des pommes de pins ou autres ornements. "
Comment cette relique du saint archevêque de Sens, à cause de laquelle un office solennel était célébré chaque
année, se trouvait-elle à l'abbaye des Bénédictines de Montreuil ? rien ne le fait connaître. N'y aurait-il pas lieu de penser que ces dernières l'auraient due à l'un des trois membres de la famille seigneuriale de Neuville-sous- Montreuil, Gautier, Gilles ou Henri Cornu; qui se succédèrent sur le siège archiépiscopal de Sens dans le cours du XIIIe siècle, et cela en souvenir du séjour que, d'après certaine tradition (46),saint Leu, exilé de Sens, aurait fait près de Marconne, dans un endroit auquel il a laissé son nom?
9° Relique de sainte Véronique (47). Monstrance en arpent du XVIIIe siècle, n° 7 de l'Inventaire.
10° Reliquaire d'argent où sont les reliques de saint Saulve, de saint Justin, de saint Mansuet et de saint
Faustin, oeuvre tout fait remarquable de la fin du XIIIe siècle ou du commencement du siècle suivant, n° 3 de l'Inventaire.
11° Deux châsses où sont les reliques de saint Pie, saint Maximien et sainte Lucide. Ces deux châsses,
nos 14 et 15, sont en bois, dorées et argentées.
12° Une croix d'argent où il y a de la vraie Croix. Elle est ornée de fleurs de lis. Elle renferme aussi une
petite Notre-Dame de Boulogne en bois, XVIIIe siècle, n°11 de l'Inventaire.
A cette liste, il convient d'ajouter les cinq objets suivants dont le dépôt à l'église Saint-Saulve par les religieuses
de Sainte-Austreberte fut approuvé par Mgr de la Tour d'Auvergne-Lauraguais le 5 janvier 1805
1° Un reliquaire d'argent en forme de boule supporté par un pied en forme d'ostensoir contenant une
partie du chef de sainte Frameuse, mère de sainte Austreberte, dont le corps étoit, avant la Révolution, précieusement conservé dans une châsse d'argent. Monstrance du XVIIe siècle, n° 8 de l'Inventaire. Les reliques de sainte Framehilde ou Frimeuse avaient été transférées de Marconne à Montreuil sous l'abbesse Hildeburge et sous l'épiscopat de Beaudouin, évêque de Thérouanne.
2° Un autre reliquaire aussi d'argent, en façon de portail, dans lequel sont renfermées tes reliques de
saint Cyprien, martyr; de saint Corneille, pape et martyr; de saint Denis, martyr, et de ses compagnons.
Sous les n° 2 et 3 de son Inventaire, M. le chanoine Van Drival donne la description suivante de ce reliquaire
et de celui contenant les reliques de saint Saulve mentionné cidessus sous le n° 10.
" Ces beaux reliquaires, dit-il, sont semblables l'un l'autre; on les croirait identiques, mais en les examinant de
près on voit qu'il s'y touve assez de petites différences pour prouver que la main seule y a travaillé et non pas le moule.
" Le devant de chaque reliquaire est un édicule ou sorte de portail enfermant des ogives et une rose, le tout
formant cinq compartiments, dont quatre s'ouvrent et renferment les reliques. II y a un toit avec crochets et gracieux bouquet terminal. Ce toit se relie aux petits toits latéraux à l'aide de crosses végétales qui en forment un ensemble plein de goût. Ces reliquaires sont faits sur le devant de feuilles d'argent clouées sur une âme en chêne. Il y a des pierres serties en divers endroits, treize sur chaque face antérieure, plus deux sur chaque côté, en bas, dix-sept en tout; c'est extrêmement gracieux.
" Sur les côtés ou pignons, c'est encore une plaque d'argent, avec une grande ogive à deux jours, toute dorée
et burinée en zig-zag d'un goût parfait. Le derrière est une plaque de cuivre doré, grande ogive à deux ouvertures. Dans l'une, l'ange debout, l'index levé et le rouleau ou lambel dans la main gauche, vêtu, pieds nus, grandes ailes; dans l'autre la sainte Vierge debout, écoutant et faisant un geste d'hésitation et de doute, le livre à la main, pieds chaussés. Dans la rose du haut est un ange tenant une couronne de chaque main; il sort d'un nuage. Le sujet est évidemment l'Annonciation. Tout le fond de la scène est buriné comme les côtés.
" Ces reliquaires reposent sur quatre petits lions dorés... ils me paraissent être du XIIIe siècle ou du XIVe ". Il
convient d'ajouter ici que, de même que le reliquaire contenant des restes de saint Leu, ils ont été décrits et dessinés en 1853 dans le Bulletin du Comité de la langue, de l'histoire et des arts de la France, publié sous les auspices du ministère de l'Instruction publique.
3° Un beau reliquaire d'argent en forme d'ancienne remonstrance surmonté de la statue de saint
Laurent, diacre et martyr, renfermant un petit ossement dudit saint qui étoit honoré dans ladite abbaye de Sainte-Austreberte d'un culte particulier. Ce reliquaire consiste en une monstrance en ardent, n° 9 de l'Inventaire, qui a été décrite dans la publication précitée. Le pied est très orné, des anges supportent un cylindre. En haut est une figurine de saint Laurent. Travail de la fin du XVIe siècle.
4° Un petit reliquaire de bois d'ébène renfermant une dent de sainte Apolline, vierge et martyre; un
petit ossement de saint Ignace, un autre de saint Quentin, martyr. Monstrance en bois, n° 13, et 5° Un buste en bois peint et doré renfermant un petit ossement de sainte Agathe, vierge et martyre, n° 12 de l'Inventaire.
Un procès-verbal de reconnaissance du 4 mai 1805, approuvé par Mgr de la Tour d'Auvergne, évêque
d'Arras, constate en outre la remise à l'église de Montreuil, par la R. M. Sainne de l'Espine, ancienne religieuse de la Madelaine du Trainel à Paris, de la relique de sainte Austreberte qui avait été donnée par Madame le Boucher d'Orsay à son monastère en 1734, et que M. le chanoine Van Drival mentionne sous le n° 24 de son Inventaire.
Les religieuses de Sainte-Austreberte firent enfin le dépôt au Trésor de l'église Saint-Saulve de la célèbre crosse dite
de sainte julienne, n° 5 de l'Inventaire, que découvrit Mgr d'Orléans de la Motte lors de la translation des restes de cette sainte dans une nouvelle châsse, le 11 septembre 1767. " Il fut en même temps trouvé - ce sont les termes mêmes du Journal de l'abbaye de Sainte-Austreberte - un bâton de bois bien enveloppé et coupé de deux parties, ce qui fit bien plaisir à l'assemblée jugeant que c'étoit une crosse. " |
Sous le Directoire et le Consulat, l'église Sainte-Austreberte, où s'était fait le partage des marais communaux
(10 frimaire an III), fut transformée tantôt en salle de théâtre, tantôt en salle de bals et de concerts. Parfois aussi, elle servit à d'autres usages. C'est ainsi que le 20 thermidor an IX (8 août 1801) à deux heures, le " citoyen Léger, maître-èsarts et de pension à Montreuil ", y procédait à l'exercice public de ses élèves " sur les langues anciennes; sur la grammaire; sur l'histoire; sur la morale; sur la nouvelle division de la France; sur les productions des départements du Nord; sur la tenue des livres; sur les changes, factures, ordres, commissions; sur les arbitrages de banque et de commerce; sur les négociations, traites, remises, roulemens de lettres dans les principales places de l'Europe. " Cet exercice fut précédé d'un discours et terminé par la distribution des prix " en présence des citoyens Préfet du département et Sous-Préfet de l'arrondissement, et des autorités constituées (32). "
Pendant le camp de Montreuil, composé d'environ 25,000 hommes sous le commandement en chef du
maréchal Ney, l'église Sainte-Austreberte devint un des principaux magasins de vivres de l'armée. Mais c'est alors qu'elle périt encore par les flammes. Le 10 germinal an XII (3 r mars 1804), vers six heures et demie du soir, un incendie dont bientôt la lueur fut si vive que de leurs cantonnements des environs de Boulogne et de Saint-Orner des troupes se mirent en route pour Montreuil, se déclara subitement dans l'ancienne sacristie et se communiqua à l'église qui contenait 100,000 rations de pain et une quantité considérable d'eaux-de-vie. Quelques heures suffirent pour ne laisser debout de cet édifice que les quatre murailles.
Quelles furent les causes de ce sinistre ? on ne le saura jamais. L'opinion la plus répandue voulut y reconnaître le
fait d'un employé subalterne intéressé à faire disparaître les traces de certaines malversations. Bonaparte, au contraire, qui savait Montreuil et ses environs sillonnés par de nombreux agents à la solde de l'émigration et de l'Angleterre, crut voir dans cet accident la colin de l'ex-abbé Ratel, l'un des principaux affidés de Georges Cadoudal et de Hyde de Neuville.
" J'ai peine à me persuader que l'abbé Ratel, qui est
des environs de Boulogne, n'ait pas eu part à l'incendie du magasin de Montreuil, écrivait-il ainsi de Saint-Cloud le 24 germinal (14 avril), au général Ney. Prenez des informations pour connaître les individus qui sont à Étaples, Montreuil et aux environs, qui ont des liaisons de parenté et de connaissance avec ce misérable (33). "
A partir de ce moment, divers projets de restauration furent présentés à l'autorité supérieure. Mais la levée du
camp et le manque de fonds en firent ajourner indéfiniment l'exécution. L'abandon complet de l'église Sainte- Austreberte en fut le résultat; il devint tel qu'au mois de septembre 1819, le génie de la place crut prudent de faire rentrer dans ses magasins ce qui restait de barres de fer aux baies des fenêtres, une grande partie en ayant été enlevée on ne sait trop dans quelle circonstance. Bientôt, du reste, l'administration de la guerre faisait remise de l'église à la ville, et celle-ci, ne sachant quel parti en tirer, la laissa dans cet état de dégradation que le dessinateur Ph. Blanchard a su si bien reproduire dans l'une de ses lithographies des Voyages pittoresques dans l'ancienne France du baron Taylor (34).
II en fut ainsi, partiellement tout au moins, jusqu'en 1842, époque où, conformément à une décision du Conseil
municipal du Ier février 1841, la partie de l'église qu'occupaient autrefois les religieuses et leurs pensionnaires, et qu'elles désignaient sous le nom d'église du dedans, fut restaurée pour servir de salle d'étude et de dortoir au collège établi depuis 1828 dans un quartier de l'ancien monastère (35). L'autre partie, qui était réservée au public et connue sous le nom d'église du dehors, ne fut rendue au culte, pour l'usage de ce même établissement, que le 19 avril 1851, à la suite d'une nouvelle décision du Conseil municipal qui, le 5 août 1848, en avait voté la réouverture.
II
L'église abbatiale de Sainte-Austreberte, autrefois remarquable par ses heureuses proportions et son élégante
simplicité, est le principal monument du XVIIIe siècle qui existe a Montreuil.
Sa façade, conçue dans le style de la Renaissance, tel que son pignon, se compose, comme cela se pratiquait
dans le cours des deux derniers siècles, de deux ordres superposés : le premier, dorique, offrant une porte à plein cintre surmontée d'un fronton au tympan duquel la Trinité est représentée sous la forme symbolique du triangle au milieu d'une gloire étalant ses rayons ; le second, ionique, accompagnant une grande fenêtre au- dessus de laquelle une niche creusée dans le pignon, lui-même terminé par un fronton cintré supportant une croix, abritait jadis une statue de Notre-Dame de l'Assomption. Elle porte la date de 1758, bien que le portail n'ait été définitivement achevé qu'en 1761.
Avant l'incendie de 1804, une tour élancée, avec dôme en charpenté recouverte d'ardoises, s'élevait au-dessus
de l'abside et complétait ainsi l'aspect du monument.
Cette tour contenait deux cloches dont l'une eut pour parrain et marraine, en 1734, Madame d'Orléans,
abbesse de Chelles, et le duc d'Orléans, son frère ; l'autre, Madame la duchesse d'Orléans et le duc de Chartres, Philippe de Caresse, lieutenant de roi à Montreuil, le comte de Thoras et son épouse, nièce de Madame Le Boucher d'Orsay, avaient représenté les princes lors de la bénédiction, et ceux-ci, à cette occasion, avaient envoyé à l'abbesse un vêtement de Mademoiselle de Beaujolais dont il fut fait un ornement complet pour la cérémonie.
Les princes avaient consenti à laisser figurer leurs noms sur ces cloches, grâce aux instances de la duchesse
d'Orléans, abbesse de Chelles, qu'avait émue le récit des malheurs de l'abbaye de Sainte-Austreberte pendant le séjour des RR. MM. Havet et Calippe au monastère de la Madelaine du Trainel à Paris, dont elle fut la constante bienfaitrice, et surtout aussi en souvenir de Madame Le Boucher d'Orsay, que Madame la marquise de Montchevreuil, sa parente, avait su si bien conserver à la Cour.
L'église Sainte-Austreberte différait alors essentiellement de ce qu'elle est aujourd'hui.
Construite en forme de marteau, elle équivalait à une double église, car tel avait été le but des religieuses en
adoptant ce plan, que leur oratoire et la tribune des pensionnaires se trouvant au-dessus, fussent complètement séparés de la partie réservée au public. Aussi n'oubliaient-elles jamais de les distinguer sous la désignation d'église du dedans et d'église du dehors.
Cette disposition de l'édifice devait son origine à la suppression de l'église paroissiale de Saint-Jean-Baptiste,
plus connue sous le vocable de Sainte-Autreberte avant le siège de 1537, qu'à l'exemple des moines de Saint- Saulve, pour l'église Saint-Waloy, les abbesses avaient fait élever près de leur église, afin de s'affranchir de l'obligation de recevoir à leurs offices les fidèles de cette partie de la ville, plus tard décimée par les guerres et surtout par la peste de 1596.
Des bases de piliers en grès, maintenant enclavés dans des murs, et la découverte faite, il y a peu d'années,
d'une pierre tombale du XIVe siècle (36) à l'endroit du nouveau bâtiment formant l'aile gauche de la partie de l'abbaye affectée au collège, autoriseraient à croire que cette église (son choeur tout au moins) occupait cet emplacement. Ainsi située, le cimetière paroissial qui longeait la ruelle dite " anciennement de Toulouse, " d'après un manuscrit de 1569, et à présent rue Becquerel, lui faisait suite, tandis que la nef se prolongeant jusqu'au milieu de la place Sainte-Autreberte, où l'on voyait encore, vers 1825, un bâtiment assis - tout le fait supposer - sur ses fondations, présentait, comme une des faces de cette construction, son portail à la rue du Tripot.
Enfin, " devant le grand portail de l'esglise Sainte-Austreberte, il se trouvait " une petite maison " servant de
presbytère, " laquelle maison, lit-on dans un manuscrit de 1618 appartenant à l'hôtel-Dieu, a " esté ruinée des guerres (37). "
Tout, à l'intérieur, portait à la piété et témoignait du bon goût de celles qui consacraient leurs loisirs, leurs
épargnes, le produit de leurs " petits travaux " à la décoration du nouveau temple bâti en l'honneur " de leur Époux. "
Au centre et dans la courbe de l'édifice se détachait, du milieu de lambris en chêne aux riches sculptures, un
autel à la romaine disposé de manière à être vu à la fois de la Communauté et des fidèles. Le tabernacle en ébène, commandé à Paris en 1779, s'élevait entre des gradins garnis de six chandeliers d'argent achetés 1,300 livres en 1774, et, avait, à lui seul, coûté aux religieuses 3,550 livres (38) non compris les statuettes et les nombreux décors en argent dont elles l'enrichirent en 1788. Le tableau placé au-dessus, oeuvre de Restout, représentant la Prise de voile de sainte Austreberte (39), avait été donné en 1761 par Madame d'Esgrigny, par lady Statfort et miss Brinkust a qui l'on devait déjà les vitraux du choeur. Il était accompagné des statues de saint Benoit et de sainte-Scholastique aussi données en 1765 par les RR. MM. Augustine-Charlotte de Jassand de Saint-Louis, Albertine -Josephe Evrard de Saint-François et Thérèse Leroy de Saint-Fulgence.
La lampe suspendue devant l'autel avait été offerte à l'église en 1767 par la R. M. Caning de Wissorck de
SainteAgnès.
Une grille en fer forgé, au-dessus de laquelle les châsses des patronnes de la maison étaient exposées en temps
de calamités, séparait le sanctuaire des deux parties de l'édifice; la chaire et les stalles des religieuses étaient celles de l'abbaye d'Épagne, dues à la générosité de Mgr d'Orléans de la Motte, après la suppression de ce monastère en 1747.
Onze tableaux ornaient la nef de l'église et le choeur des religieuses, Ils représentaient, d'après les grands
maîtres, la Visite de Marie à sa cousine Elisabeth, l'Annonciation, l'Assomption de la Vierge, la Nativité, la Fuite en Égypte, le Baptême de Notre-Seigneur, la Samaritaine, le Noli me tangere, la Céne, la Résurrection et Saint Louis devant la couronne d'épines. Lady Statfort et les RR. MM. Caning de Wissorck et Marthe Septier les avaient fait exécuter de leurs propres deniers de 1761 à 1763. Plusieurs de ces tableaux étaient de l'abbé Danguillaume, curé de Saint-Pierre et directeur de l'abbaye.
Enfin, près de la porte d'entrée, on remarquait un bénitier en argent, acheté plus de 600 litres en mars 1788, et,
au-dessus, les orgues qu'avec le produit des pensions faites par leurs familles et de secours obtenus de Mgr d'Orléans de la Motte, de M. d'Obignan, archidiacre d'Amiens, et de la R. M. Caning de Wissorck, Madame d'Esgrigny et sa soeur, la R. M. Marie-Barbe-Angélique-Jeanne de Saint-Esprit, avaient fait construire en 1747 par Jacques Aubert, organiste de Notre-Dame de Boulogne, et par le frère joseph Duhamel, religieux prémontré de l'abbaye de Licques. En 1761, Madame de la Javellière dépensait encore plus de 1,000 livres pour l'embellissement du buffet de ces orgues, dont en même temps elle faisait compléter les jeux, ce qui, d'après la chronique, coûta considérablement. "
Cet heureux ensemble, cette décoration si bien comprise et si exactement suivie pendant tant d'années, cette
fraîcheur dans les ornementations, dans les peintures qu'après deux années de travail, des artistes étrangers achevaient vers la fin de 1788 seulement, et pour lesquelles la Communauté avait consacré plus de 2,300 livres en sus de leurs pensions, charmaient tous ceux qui visitaient l'église des Bénédictines de Montreuil.
" J'ai vu cette chapelle, dit un contemporain (40), alors qu'elle brillait de tout l'éclat, de toute la splendeur de sa
jeunesse; je l'ai vue parée de ses quarante religieuses, de ses choristes, de ses quatre-vingts pensionnaires appartenant toutes aux plus riches familles de la Grande-Bretagne. J'ai entendu ces chants pieux, cette suave mélodie que l'orgue soupirait sous une main délicate et habile. Il y avait là de la poésie, du sentiment et tout cela répandait l'aisance, le bien-être dans le sein de notre population; et, dans les jours calamiteux, tous ces coeurs, toutes ces mains s'ouvraient pour répandre sur le père de famille, sur l'ouvrier, sur l'artiste malheureux, le bienfait, la consolation, de célestes espérances. "
III
L'architecte Jean Le Mercier avait ménagé à gauche de la cour d'entrée de l'abbaye, dans l'angle de l'église, un
espace sufsant pour l'édification d'une sacristie. Au chevet du sanctuaire se trouvait le Trésor, bâtiment avec étage prenant jour partie sur la rue du Ver Montant, partie sur la Grande Cour, et dont la façade en ruines calcinée et noircie par les flammes de l'incendie de 1804, offrait aux regards, il y a peu d'années encore avant sa disparition, des restes d'élégants frontons armoriés au-dessus de la porte et de la fenêtre centrale de l'étage, de pilastres aux chapiteaux délicatement fouillés, et de gracieuses niches vides de leurs statues, le tout formant un agréable contraste au milieu des constructions vastes mais si simples du monastère.
D'une ornementation bien moins recherchée sans doute que le Trésor, la sacristie, avant sa reconstruction
vers 1850, n'était point non plus sans présenter quelque intérêt, témoignant ainsi des soins que les abbesses avaient apportés à l'érection de ces petits édifices en raison de leur destination.
C'est qu'en effet, sacristie et Trésor étaient appelés à renfermer de grandes richesses. La sacristie, il est
vrai, avait subi des pertes considérables lors de l'incendie de 1733. " Le soleil de remonstrance, le reste des vases sacrés comme calices, bassins, burettes, boîte à pain d'autel, boîte pour mettre les clefs du tabernacle, encensoir, navette, clochette; une belle et grande croix, une grande lampe et deux chandeliers, le tout d'argent; un parement et une chappe qui avoient coûté au moins neuf mille livres, et le reste des ornemens à proportion, le linge très beau et magnifique (41), le tout, dit la R. M. Marcotte, a été consumé en cette triste journée. " Mais, grâce aux relations si hautes et si étendues des abbesses et de leurs religieuses, avec le temps ces pertes avaient été singulièrement atténuées. La duchesse d'Orléans, abbesse de Chelles, qui déjà avait offert son portrait à Madame Le Boucher d'Orsay, saisit cette circonstance pour lui donner un nouveau témoignage d'affection, en lui envoyant " beaucoup de linge et de livres pour la sacristie; " lors de la bénédiction des cloches, les princesses d'Orléans lui avaient fait présent d'un vêtement " fond vert à fleurs brodées d'argent " ayant appartenu à Mademoiselle de Beaujolais et dont il fut frit un ornement complet; sous Madame d'Orléans de la Motte, la sacristie avait reçu également de nombreux dons, ceux, entre autres, de la R. M. Marie-Barbe de Saint-Marsan, en religion soeur Saint-Joseph ; Madame d'Esgrigny et miss Brink-List l'avaient ornée d'un Christ en croix et d'un portrait de Mgr d'Orléans de la Motte dus au pinceau d'artistes renommés; toutefois, c'est sous Madame de la Javellière seulement qu'elle devait recouvrer une partie de son ancienne splendeur.
Dès sa nomination, cette abbesse, bien connue pour son goût et son habileté dans les travaux d'aiguille, avait,
d'après la chronique, expédié à sa nouvelle maison " plein une charrette de tapisseries " qu'elle destinait en partie à la sacristie. Secondée principalement par la jeune et chétive R. M. Marie-Rose-Éléonore Panet de Sainte- Catherine et par la R. M. Marie-Françoise de Wamin de Saint-Dominique, elle occupait constamment les loisirs que lui laissait son administration à travailler pour l'église de son monastère. On lui dut ainsi le rideau de la grille du choeur, les tapisseries des quatre tabourets des chantres et des sièges des prêtres officiants, celles sur lesquelles les châsses étaient déposées pendant les neuvaines, le tapis du pupitre, celui du sanctuaire, un autre " d'une grandeur admirable, et qui fait la charge de deux hommes, pour mettre sur les marches de l'autel quand le saint Sacrement est exposé, " enfin les broderies d'aubes, de nappes d'autel et d'ornements complets (42) donnés par Marguerite de Trudaine, sa mère, et milady Lockar.
Ce zèle qui l'animait à enrichir son église, Madame de la Javellière avait su le communiquer à toutes ses filles;
mais nulle n'était plus empressée d'y répondre que la R. M. Caning de Wissorck de Sainte-Agnès qui n'avait rien tant à coeur que de doter le lieu saint de quelque objet d'art nouveau, le plus souvent acheté avec le produit de son travail et celui des plus habiles d'entre ses compagnes.
De si pieux efforts ne pouvaient qu'être encouragés par ceux qui fréquentaient le monastère. Aussi sont-ils
nombreux les bienfaiteurs à cette époque. Ne citerait-on parmi tant d'autres dons faits par eux, que le crucifix donné par lady Statfort, le calice d'argent laissé par Mgr d'Orléans de la Motte comme souvenir de lui et de sa vertueuse soeur, le magnifique parement d'autel envoyé à Madame de la Javellière par l'abbesse du couvent de Saint-Paul, près Beauvais, où elle avait fait sa profession religieuse, enfin le calice acheté avec le produit du legs de l'abbé Danguillaume, bachelier en théologie, curé de Saint-Pierre et chanoine de Saint-Firmin, décédé le 28 décembre 1780 à l'âge de soixante-quatorze ans dans le presbytère de l'abbaye donc il avait la direction depuis quarante-quatre ans.
Tout ce que la sacristie renfermait est aujourd'hui perdu. Heureusement, il n'en est pas de même des objets d'art
que contenait le Trésor. Sauvés des flammes de l'incendie de 1733 " avec grandes peines et même au péril de leur vie " par les abbés Etienne Marcotte, curé de Saint-Jacques, Denis Nagez, curé de Saint-Firmin, François Hacot, curé de Saint-Waloy, et J.-B. Hacot et Durand, curés de Notre-Dame, dans des circonstances non moins difficiles ils ont été soustraits au vandalisme révolutionnaire, et depuis ils sont conservés dans le Trésor de l'église Saint-Saulve auquel ils donnent maintenant une si grande importance.
Les restes de sainte Austreberte, de sainte Framehilde et de sainte Julienne si vénérés parmi les masses,
n'étaient pas les seuls que le Trésor de l'église abbatiale de Sainte-Austreberte renfermât, car il résulte des documents que nous reproduisons ci-après, que des vingt-cinq reliquaires énumérés par M. le chanoine Van Drival dans son Inventaire des objets d'art conservés dans le Trésor de l'église Saint-Saulve à Montreuil-sur-Mer publié en 1877, vingt proviennent en réalité du Trésor de l'abbaye de Sainte-Austreberte et non de celui de l'abbatiale de Saint-Saulve comme l'auteur de ce travail semblait le supposer.
En effet, du consentement des RR. MM. Le Roy, Allard, Liquois de Beaufort et de Decroix, et des soeurs
Vasseur et Cras, le 19 thermidor an XI (7 août 1803), les dames religieuses de la ci-devant abbaye de Saint- Austreberte, savoir les RR. MM. Marie-Marguerite Feutrel de Saint-Joseph, Albertine-Joseph Évrard de Saint-François, Henriette-Augustine-Catherine Poret de Sainte-Scholastique, Marie-Barbe-Charlotte Delattre de Saint-Benoit, Marie-Madeleine-Françoise Poultier de Saint-Charles, Augustine Moitier de Sainte-Flavie, Marie-Madeleine Siriez de Sainte-Catherine, Julie Machart de Sainte-Cécile, Marie-Madeleine-Thérèse Lens de Saint-Laurent, Catherine Petit de Saint-Michel, assemblées à Montreuil, remettaient entre les mains de l'abbé Pierre-Jacques-Grégoire Delannoy, ancien curé de Saint-Pierre, récemment nommé doyen de Montreuil et, en cette qualité, curé de Saint-Saulve, en présence des abbés J.-B. Godefroy et Maury, vicaires, et aussi de MM. J.-B. Grenu, J.-B. Lambert et Joseph Patté, membres de la fabrique, les reliques et reliquaires de l'église de leur ancienne abbaye, à condition " qu'au cas de rétablissement de ladite communauté de Sainte- Austreberte de quelque part, en quelque lieu, en quelque temps que ce fût, lesdites reliques et reliquaires seront, à leur première réquisition, rendus et remis pure" nient et simplement aux membres composant ladite communauté ainsi et d'après la permission du Révérendissime évêque d'Arras, du 13 thermidor an XI. "
Or, d'après l'état qui en fut dressé, ces reliques et reliquaires consistaient en
1° Deux ossements de sainte Austreberte non enchâssés, l'un de la cuisse du côté gauche, l'autre de la
hanche du côté droit.
Ces reliques sont maintenant renfermées dans le reliquaire moderne porté sous le numéro 21 de l'Inventaire dressé par
M. Van Drival. |
Maistoutes ces cérémonies finirent par donner lieu à nombre d'abus. La fête du Ver Montant
dégénéra complétement: la ronde du loup devint très immorale, et la confrérie discréditée tomba dans l'oubli au milieu du XVIe siècle.
A cette époque, l'église Sainte-Austreberte n'était plus déjà celle construite par les abbesses Austreberte,
Hildeburge et Imberge. Sans qu'on en connaisse la cause, au mois d'août 1467 elle s'était écroulée en même temps que six autres églises (6). Margherite de Créqui (7), en ce moment abbesse, l'avait presque aussitôt fait relever à n'en douter pas avec cette munificence qui distingue les nombreux monuments religieux dus à son illustre famille ; mais, moins heureuse que sa devancière, cette église qui fut visitée par Charles VIII, Louis XII et François Ier, ne devait pas atteindre son siècle. Après une vaine résistance, la veille de la fête de saint Jean-Baptiste 1537, Philippe de Créqui, sieur de Canaples, était forcé de rendre Montreuil aux Impériaux et, le lendemain, Adrien de Croi, comte de Roeulx, leur chef, sous le prétexte de venger l'honneur de sa mère qu'avait, disait-il, outragée la garnison de Montreuil dans une de ses excursions au château de Beaurain, livrait, au mépris de la foi jurée, l'abbaye de Sainte-Austreberte aux flammes, ainsi que les monuments et les habitations particulières. Enfin, sept ans plus tard, en I544, pendant un siège de trois mois à jamais glorieux grâce à la défense héroïque du maréchal Oudart du Biez et des habitants vigoureusement secondés par leur mayeur Anthoine de Heghes (8), l'église Sainte-Austreberte et sa succursale, l'église Saint-Jean, n'échappaient pas davantage aux feux des batteries des armées coalisées de Charles-Quint et de Henri VIII qui, une fois maîtres de la place, se proposaient de marcher sur Paris en vue de disposer du sort de la monarchie française . (9).
Françoise de Boufflers tenait alors la crosse. Avec cette activité et cette énergie qui lui étaient propres et qui
n'avaient d'égales que la valeur et la prouesse de ses ancêtres (10), elle ne se laissa pas abattre par les évènements. Par deux fois, en moins de dix années, elle rétablit son monastère, l'église la première à laquelle, par mesure d'économie sans doute, elle annexa l'église Saint-Jean destinée au public. Fallait-il que le clocher de cette nouvelle église et la voûte du choeur des religieuses s'effondrassent le 24 février 1622, sous le gouvernement de Madelaine de Monchy(11).
" L'an 1622, le iour de S. Mathias apostre, environ les quatre heures et demie du matin, rapporte le R. P.
Simon Martin, le clocher et la voûte du choeur des Religieuses de Saincte-Austreberte à Monstreul, tombèrent subitement par vne impétuosité si vehemente qu'on croyoit dans la ville que ce fut vn tonnerre. Dieu ne permit pas toutefois que le grand autel où reposoit le très Sainct-Sacrement fut endommagé en aucune façon, non plus que la Trésorerie des Corps Saincts et reliques de l'abbaye, ny pas vne Image rompüe ou brisée dans le choeur des Prestres (car ceste Église servoit lors de paroisse) ny enfin personne de bleçé. De quoy Dieu avoit aduerty ses humbles servantes ; parce que la lampe de l'Église brusla toute la iournée et la nuict précédente d'une façon si extraordinaire qu'il sembloit que l'Église fut pleine de flambeaux quoy qu'en tout ce temps-là on n'y eut point versé d'huyle, ce qui fut recognu par la susdicte mère Anne de Sainct-Pierre, Religieuse de l'abbaye de Sainct- Paul (12); et par la mère Agnès de l'Espy dicte de Sainct-Joseph à présent sous-prieure à Monstreul, qui auroit pour lors la charge de l'Église (13). "
Madelaine de Monchy avait relevé ces ruines, et Charlotte Cécile, sa soeur(14) lui succédait à peine sur le
siège abbatial de Sainte-Austreberte, qu'un accident nouveau vint, cette fois encore, mettre son église en péril : " Le 22 Fevrier 1629, dit le R. P. Simon Martin, le feu prit la nuict par quelqve accident à vne table, qui estoit dressée en forme d'autel dans le choeur des religieuses où reposoit vne Image de NostreDame de Foy, ornée d'un quintin blanc et deslié ; le feu brusla en vn instant, et la table et les nappes et le tableau avec le voile qui le couvroit, car c'estoit en Caresme, sans toutefois endommager ceste Image de Nostre-Dame de Foy, ny toucher aux chasses des Corps Saincts qui arrestèrent les flammes non sans vne assistance particulière de la miséricorde de Dieu, qui fut reconnüe pour miracle par des personnes de crédit, entr'autres du Reverend Pere Benoit d'Amiens, gardien des Capucins de Monstreül, ce qui fut attesté par vil notaire public (15). "
Après la reconstruction et la restauration auxquelles elle avait donné lieu, l'église Sainte-Austreberte présentait
le caractère des édifices de la dernière moitié du XVIe siècle et du commencement du siècle suivant, lorsque, sous Madame le Boucher d'Orsay(16), le 21 octobre I733, vers onze heures et demie du soir, un jeune homme dont on avait irrité la passion en cloîtrant celle qui en était l'objet, exécuta le funeste projet qu'il nourrissait déjà depuis longtemps, de mettre le feu aux quatre coins du dortoir des religieuses, allumant ainsi ce terrible incendie qui réduisit en cendres trois quartiers de l'abbaye, soit 825 toises de bâtiments, le tout évalué plus de 100,000 livres, et, ce qui fut le plus regrettable, occasionna la mort de la R. M. Anne-Polixène-Thérèse Doye de Saint- Joseph dont les ossements, retrouvés trois jours après parmi les décombres, furent inhumés dans les caveaux de la chapelle de l'Hôtel-Dieu (17).
L'église, le choeur des religieuses et le quartier des pensionnaires, qui déjà avaient échappé aux flammes d'un
premier incendie arrivé le 30 juillet précédent vers deux heures et demie du matin, pendant le chant des matines, furent cette fois encore épargnés. Et pourtant, dit la R. M. Marcotte(18) dans son Journal, lorsque le 22 novembre, " ce jour tant désiré (19), " dix-sept des religieuses qui s'étaient retirées à l'Hôtel-Dieu après l'incendie, reprirent possession de leur maison en présence de tout le clergé des paroisses de la ville, des soeurs hospitalières et de la population, elles trouvèrent leur église " si déserte et ce qu'il y avoit si rompu qu'on peut dire avec vérité qu'il n'y avoit plus que les quatre murailles. " Elle présentait si peu de sûreté qu'elles durent déposer secrètement dans un souterrain, les chasses contenant les restes des saintes patronnes de la maison. " Enfin, notre choeur, dit encore la R. M. Marcotte, " étoit si délabré que nous récitions le Saint-Office dans une chambre en attendant qu'on l'eût un peu restauré. "
Cette restauration ne se fit pas longtemps attendre. Madame d'Orléans de la Motte(20), appelée par l'influence
du cardinal de Fleury à remplacer Madame Le Boucher d'Orsay, n'eut rien de plus pressé que de l'entreprendre, et elle saisit cette circonstance pour faire exhausser le choeur au moyen d'une voûte pratiquée dans les combles, et le mettre ainsi en harmonie avec le sanctuaire.
Malgré cette amélioration, chacun reconnaissait la nécessité d'une reconstruction complète du monument; mais,
en égard aux dépenses occasionnées par les incendies de 1733 et à la modicité des revenus de la maison qui ne s'élevaient alors qu'à 6,165 livres, vingt années devaient se passer avant que Madame d'Orléans de la Motte pût donner suite à ce projet.
En 1756 seulement, lorsque les parties incendiées eurent été réédifiées et reliées au quartier abbatial reconstruit
par Madame Le Boucher d'Orsay, grâce aux libérailités de la duchesse d'Orléans, abbesse de Chelles, et aux dons recueillis par les RR. MM. Havet, discrète(21), Calippe(22) et Quiéllot(23) dans leurs voyages à Paris, en Flandre et en Artois, sous la conduite de Jacques Calippe, curé d'Airon et ancien élève du séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet, alors sous la direction du fervent abbé Firmin Pollet, de Montreuil, Madame d'Orléans de la Motte crut le moment venu d'accomplir le plus cher de ses voeux " en élevant au Seigneur un temple digne de lui. "
" Alors, dit la R. M. Marcotte, Madame l'abbesse et sa " Communauté se confiant en tout en la divine
Providence " plus que dans l'or et l'argent qu'elles n'avaient pas, n'ayant aucune épargne, franchirent toute défiince; et, dès le commencement de l'année, toujours, disaient-elles, dans l'espoir " que le Seigneur viendroit au secours de celles qui ne désiraient rien tant que de voir son temple bâti pour y célébrer les divins mystères et chanter ses louanges, " elles s'adressaient à l'architecte Jean Le Mercier, de Montreuil, dont bientôt elles agrééaient les plans, en même temps qu'elles chargeraient Jacques Le Mercier, son frère, de l'exécution des travaux(24).
Le 22 mars, la Communauté évacua l'église ; le Saint-Sacrement fut porté solennellement dans le parloir de
Madame converti en chapelle pour toute la durée de la construction, et l'on entreprit aussitôt la démolition du vieil édifice où étaient venus s'agenouiller la reine Anne d'Autriche, Louis XIV, le duc d'Anjou, le cardinal Mazarin et tant d'autres illustres personnages.
Avec lui disparurent d'anciens et pieux souvenirs, parmi lesquels, sans remonter au-delà de 1733, nous
rappellerons les obsèques de la R. M. Marie-Françoise Biaré de Saint-Agnès qui, mortellement blessée lors du grand incendie, et ramenée depuis six jours seulement dans sa maison de profession, déclarait " qu'elle n'auroit plus de peine à mourir puisqu'elle était dans son centre (25) " celles non moins touchantes de l'abbesse si regrettée, Madame Le Boucher d'Orsay, qui, après avoir pris possession de son quartier nouvellement relevé le 27 septembre I734, y mourait le 2 octobre suivant; la prise d'habit de l'ordre de Saint-Benoit par Madame d'Orléans de la Motte; les solennités de la mission de 1748 et surtout celles qui accompagnaient les abjurations si fréquentes de jeunes filles appartenant à des familles nobles de l'Angleterre et de l'Irlande qui venaient à Sainte-Austreberte y recevoir l'instruction et, bien souvent même, y embrassèrent la vie religieuse(26).
Lorsque les matériaux nécessaires à la construction de la nouvelle église eurent été extraits des carrières situées
dans l'enclos même de l'abbaye, et soumis aux préparations alors en usage, Madame d'Orléans de la Motte songea à jeter les fondements de l'édifice.
Sur l'invitation de l'abbesse, sa sueur, l'évêque d'Amiens Louis-François-Gabriel d'Orléans de la Motte
s'empressa de se rendre à Montreuil et, le 2 septembre 1756, trois jours avant la consécration de son église abbatiale de Valloires, il procédait à la bénédiction et à la pose de la première pierre de l'église Sainte- Austreberte, laquelle se trouve " vers le milieu de la muraille donnant sur la rue qui conduit aux remparts. " Puis M. de Brandt, grand vicaire du diocèse; les frères joseph Tholiez, abbé de Dommartin, et Ignace Crépin, abbé de Saint-André-au-Bois; Dom Bernard Comeau, prieur de Valloires; Dom Charles Fontaine, prieur de Saint- Saulve, et l'abbé François-Dominique Danguillaume, curé de Saint-Pierre, directeur de l'abbaye, posèrent chacun la leur, ainsi que MM. Henri Acary, sieur de Beaucorroy, lieutenant de roi à Montreuil ; Adrien Vermand, ingénieur et directeur en chef du génie de la place, et miss Brinkust, pensionnaire et bienfaitrice de la maison.
Le 17 du même mois, Madame d'Orléans de la Motte décédait à l'âge de quatre-vingt-deux ans, après avoir
voulu, quatre jours auparavant, être portée au choeur pour recevoir le Viatique des mains de son vénérable frère l'évêque d'Amiens.
Sa mort fut non seulement pour la Communauté qu'elle avait édifiée, mais pour toute la population, un juste
sujet de regrets. En signe de deuil, pendant un mois on sonna toutes les cloches des paroisses où l'abbaye avait des fiefs. Le jour de l'inhumation, on garnit de tentures le dortoir, les cloîtres et le choeur conventuel, et les trois services furent successivement chantés par l'abbé Danguillaume, par le frère Marcy, prieur de Dommartin, en remplacement de l'abbé Tholiez alors eu voyage, et par l'abbé Hacot, doyen de la chrétienté de Montreuil.
Il était donné à Madame de Jouanne d'Esgrigny (27 ), pour qui Mgr d'Orléans de la Motte avait obtenu de
Louis XV la crosse par l'intermédiaire du cardinal de la Rochefoucauld, d'achever l'édifice que sa pieuse devancière eût été si heureuse de voir inaugurer.
Le 24 décembre 1759, l'abbé Danguillaume en fit la bénédiction; les châsses de Sainte-Austreberte, de Sainte-
Framehilde et de Sainte-Julienne y furent apportées processionnellement, Madame d'Esgrigny portant elle- même celle de Sainte-Austreberte, accompagnée de la prieure et des deux plus anciennes religieuses. On y célébra avec pompe l'office de Noël et la messe de nuit ; toutes les religieuses éprises d'un saint zèle pour leur institut à leur entrée dans ce nouveau temple, y renouvelèrent leurs voeux.
La consécration n'en eut lieu que le 14 septembre 1762, sous Madame Lamoureulx de la Javellière (28), qui
avait succédé à Madame d'Esgrigny, démissionnaire.
De retour de l'abbaye de Saint-André-au-Bois, dont il venait également de consacrer l'église, Mgr d'Orléans
de la Motte présida, cette fois encore, à cette cérémonie. Il eut pour assistants Mgr de Montlauet, évêque de Saint-Omer, les abbés de Dommartin et de Saint-André-au-Bois, frère Pierre-Marie Lonquéty, abbé de Ruisseauville, les prieurs de Valloires et de Saint-Saulve, et tout le clergé de la ville.
L'évêque de Saint-Omer célébra la messe d'actions de grâces. Sur la demande de Madame de la Javellière,
Mgr d'Orléans léans de la Motte consentit à fixer au dimanche après le 14 septembre, la fête commémorative de cette consécration.
Parmi les cérémonies dont la nouvelle église fut le témoin pendant sa courte existence, on peut citer : la
bénédiction de Madame de la Javellière par Mgr d'Orléans de la Motte en présence de Marguerite de Trudaine, sa mère, épouse du lieutenant général des armées du roi, Joseph de la Javellière, commandeur de l'ordre royal de Saint-Louis, ancien gouverneur de Philipsbourg; du lieutenant général Denis-François de Mauroy, gouverneur de Tarascon, son beau-frère; de sa soeur Geneviève de la Javellière, épouse de ce dernier; de messire Anne-Joseph de Mauroy, son neveu, et de Mademoiselle de Fay (21 juillet 1760) ; - la mission des RR. PP. Duplessis, Cardevacque, Corsi et Dumas pendant laquelle Mgr d'Orléans de la Motte, malgré son grand âge, adressait plusieurs fois par jour la parole à la Communauté (sept. 1761); le jubilé de 1776, bien que l'église Sainte-Austreberte n'eût point été comprise parmi les quatre églises stationales de la ville (29); - la mission de 1780 prêchée par le père Triboulet en présence de Mgr de Machault, évêque d'Amiens, qui lui aussi, en souvenir de son vénéré prédécesseur, visita souvent l'abbaye de Sainte-Austreberte; - enfin, le jubilé de mariage de Charles-Antoine-Remi Poultier, bourgeois de Montreuil, ancien échevin, et de Marie- Madeleine Ducrocq. Ils avaient dix-sept enfants. La messe fut chantée par leur fils aîné, l'abbé Charles- Antoine-Nicolas Poultier, curé de Saint-Jacques et ci-devant vicaire de Notre-Dame; deux autres frères, François-Martin Quillien, chanoine de l'église collégiale de SaintFirmin le Martyr, et Louis-Jean-Baptiste François, prêtre, bachelier en théologie, firent les fonctions de diacre et de sous-diacre; l'un des plus jeunes de cette famille, encore adolescent, remplit les fonctions de thuriféraire. L'une des filles, la R. M. Marie- Madeleine-Françoise Poultier en religion soeur Saint-Charles, religieuse à Sainte-Austreberte, fut désignée par l'abbesse pour faire celle de premier chantre au choeur conventuel. Elle chanta seule un motet pendant l'élévation. Après la messe, l'officiant prononça un discours qui fut suivi du Te Deum (25 août 1785).
Les obsèques de l'ancienne abbesse, Madame d'Esgrigny, décédée le 23 avril 1790, quelques jours après
avoir déclaré d'une manière si ferme aux Commissaires de la Municipalité que jamais elle ne quitterait sa maison, et celles de la soeur Françoise Framery de Sainte-Julienne, décédée le 27 novembre 1791 à l'âge de cent trois ans, sont les derniers faits mémorables qui précédèrent la dispersion de la Communauté consommée le 2 septembre 1792.
Tandis que le directeur de la maison, l'abbé Charles-Louis-François-Noël Mauryl (30), émigrait en Allemagne; que la
plupart des religieuses se retiraient dans leurs familles et que, le 22 ventôse an II, onze d'encre elles, bien que " visite faite de leurs ci-devant cellules " où il n'avait été rien trouvé de suspect, étaient incarcérées dans leur propre abbaye, et livrées aux mauvais traitements de l'ignoble geôlier Grégoire Nayet auquel ses nombreux forfaits attirèrent un peu plus tard cinq années de fer, l'église, dépouillée de son luxe, devenait le siège du Club des Amis de la Constitution dénommé dans la suite Société populaire : les sociétaires occupaient les stalles des religieuses et les orateurs montaient dans la chaire placée près d'une fenêtre. Un jour qu'il y pérorait, joseph Le Bon reçut des pierres lancées du dehors et sortit furieux, jurant de ne rentrer à Montreuil que suivi de la guillotine (31). |
Lettre ornée d'un MS. de l'hôtel-Dieu (1477), chap. Ste-Austreberte.
Dessin du f. Jacques Hanin, de la Chartreuse de Montreuil.
L'abbesse et l'aumônier se présentaient au seuil de l'église, le bénissaient lui et sa troupe, et le conduisaient
jusqu'à l'autel au chant des hymnes et des psaumes pendant lequel les assistants imitaient les hurlements du loup et faisaient mille extravagances.
Après l'office et le repas tout en maigre qui réunissait ensuite les confrères, le clergé portant croix et bannière,
sortait de l'église pour bénir le bûcher de la Saint-Jean qui était allumé au son des clochettes du Loup par un jeune homme et une jeune fille parés de fleurs. Puis il s'en retournait au chant du Te Deum, tandis que le Loup et ses confrères, parodiant l'Ut queant laxis et se tenant tous par la main, poursuivaient autour du feu celui qu'ils avaient désigné pour être Loup l'année suivante et, lorsqu'ils l'avaient pris, feignaient de le jeter dans les flammes.
Le lendemain, à la suite d'un second repas en maigre pendant lequel, jusqu'au dessert, toute parole étrangère à
la solennité était interdite sous peine de réciter debout, à haute voix, le Pater noster, et d'une nuit passée souvent dans la débauche la fête de Saint-Jean était célébrée avec le même entrain. La confrérie, dont plusieurs membres portaient un énorme pain béni orné de rubans et, de verdure, se rendait de nouveau à l'église Sainte- Austreberte où les mêmes bouffonneries que celles de la veille recommençaient; après quoi, les clochettes, déposées sur les marches de l'autel, étaient confiées comme insignes de sa future dignité à celui qui devait être Loup Ver l'année suivante (4).
Le Livre de la journée ordinaire que ont à faire tenir et maintenir Messeigneurs les maires et eschevins de la
ville de Monsteroeul, du long de l'an, mis en fourme pour le tems advenir en 1435, fait connaître la part que " Messeigneurs de la ville et les officiers d'icelle " prenaient à ces manifestations le jour de la Saint-Jean. Ainsi le mayeur et deux ou trois échevins avaient-ils coutume, sur l'invitation qui leur était faite par l'abbesse, d'aller diner à Sainte-Austreberte et d'y porter " quattre quennes de vin. " Ils se rendaient ensuite au pré Benson, ancien Pré aux Clercs, où les reliques de Sainte-Austreberte étaient solennellement exposées. Là, ils assistaient à la " prédicacion qui est en le charge desdictes religieuses, et au retourner mesdits seigneurs reconvoient lesdites religieuses jusques à leur esglise et tonpient tout autour (terrain vague autour de l'église), et au retourner prendent congié sans entrer dans l'esglise (5). " |
L'ÉGLISE DE L'ABBAYE ROYALE
DE
SAINTE-AUSTREBERTE
A MONTREUIL-SUR-MER
Son Historique, sa Description, son Trésor.
Extrait du Cabinet historique del'Artois et de la Picardie, 1892.
L'église abbatiale de Sainte-Austreberte fut érigée sous le vocable de Notre-Dame de l'Assomption par les
religieuses de Marconne venues, en 88o, chercher contre les invasions normandes, un refuge à l'abri des murs de Montreuil récemment construits par le comte Hilgold ou Helgaud.
Un siècle plus tard seulement, sous l'impulsion de l'abbesse Austreberte, deuxième du nom, et lorsque la terreur
inspirée par l'attente de l'an mille eut été dissipée, cette église acquit une réelle importance qui encore ne fit que croître sous l'illustre abbesse Hildeburge, fille de Guillaume I, comte de Ponthieu et de Montreuil. Telle devint ainsi la fréquentation de ce sanctuaire, abondamment pourvu d'indulgences et de privilèges par les souverains pontifes et les évêques, que, pour se soustraire à l'obligation de recevoir les fidèles à leurs offices, en dehors du.culte qu'ils rendaient aux patronnes de l'abbaye, Saintes Framehilde ou Franckhilde, Austreberte et Julienne, les religieuses ne virent rien de mieux à faire que de construire une église en face de la leur sous l'invocation de Saint-Jean-Baptiste.
La lettre encyclique de l'abbesse Imberge, adressée en 1220 aux fidèles de la province de Reims pour contribuer
à la restauration de la chasse de Sainte-Austreberte, porte à croire que, sous la prélature de cette abbesse et sous celle de Marguerite de Henneveux qui 1'avait précédée, l'église Sainte-Austreberte fut l'objet, sinon d'une reconstruction totale, du moins d'une restauration et d'un agrandissement considérable. Si l'on considère la puissance et la générosité des bienfaiteurs de l'abbaye, au premier rang desquels figuraient les comtes de Ponthieu et de Boulogne, les chefs-d'oeuvre architecturaux que la foi enfantait alors, il n'est. donc point téméraire d'avancer ici qu'élevèe au début du XIe siècle dans le pur style roman, et restaurée et agrandie dans les premières années du XIIIe, lorsque le style ogival débutait à peine, cette église devait être une de ces belles constructions de l'ére de transition (1) dont l'aspect mystérieux porte au recueillement et contribue si bien à l'éclat des solennités religieuses.
Malheureusement, à part le récit de quelques translations des reliques des patronnes de la maison faites avec
éclat en présence d'illustres personnages, et de la visite du roi Louis XI, rien ne nous est parvenu sur les événements et les cérémonies dont fut témoin son enceinte dans ces temps reculés où la crosse passait des mains des filles des comtes de Ponthieu à celles des membres des premières familles de la contrée. Seul, à présent, le souvenir de l'une des fêtes les plus bizarres du moyen âge se rattache à son histoire nous voulons parler de la fête du Loup Ver.
Cette cérémonie burlesque, instituée sans doute pour faire diversion à la monotonie du cloître à l'époque de
confusion et de désordre qui suivit la mort de Charlemagne, fut importée par les religieuses de Pavilly à Marconnne et, de ce dernier endroit, à Montreuil. L'origine en est curieuse, elle se rapporte à l'un des épisodes les plus intéressants de la vie de Sainte-Austreberte qu'il importe de rappeler ici.
D'après les légendaires, Austreberte ne quitta le monastère de Port, où elle avait pris le voile, pour aller diriger
celui de Pavilly, que sur l'ordre de l'évêque d'Amiens, Bertefrid, et sur les instances de l'abbé de Jumiéges, Philibert, qui la conduisit à l'ancien ministre de Dagobert, Audoën ou Saint-Ouen, alors archevêque de Rouen, de qui elle reçut la crosse abbatiale.
L'union la plus étroite s'était établie entre Austreberte, Philibert et l'illustre archevêque, lorsque, sur ces
entrefaites, Philibert eut avec le terrible maire de Neustrie, Ebroïn, qui venait de s'échapper de l'abbaye de Luxeuil où la mort de Chlother III l'avait confiné, une entrevue au cours de laquelle, avec sa franchise ordinaire, il n'hésita pas à flétrir sa conduite et à prendre parti pour ses nombreuses victimes. Cette liberté n'agréa pas à Ebroïn qui, pour se venger de lui, résolut de le perdre en faisant publier par quelques prêtres gagnés à sa cause, que Philibert songeait à s'emparer du siège épiscopal de Rouen, et qu'il était de secrète intelligence avec Austreberte.
Au su de cette prétendue tentative, Audoën oublia les liens d'amitié qui l'attachaient à Philibert depuis leur
jeunesse; il le fit arrêter et incarcérer dans une tour de Rouen où fut bâtie plus tard une chapelle en son honneur. Mais bientôt après, convaincu de son innocence, il l'en faisait sortir avec ordre, toutefois, sacrifiant la justice au bon plaisir d'Ebroïn, son ami et parfois aussi son conseiller, de ne plus rentrer dans son abbaye de Jumièges, de cesser tout rapport avec Austreberte, et de se rendre en exil auprès d'Ansoald, évêque de Poitiers.
Cependant, l'épée d'Ermenfrid vint tout à coup mettre un terme aux violences d'Ebroïn. Si partisan qu'il fût
encore de la politique de ce dangereux ami, Audoën, cédant aux prières d'Austreberte, rappela Philibert comme abbé à jumièces, et reconnut alors, après sept années d'exil, ce qui était regrettable, " que les rapports qu'on lui avoit faits autrefois tant de lui que de Sainte Austreberte, n'étaient que calomnies, mensonges et médisances manifestes. "
Dès ce moment, la réconciliation de Philibert avec Audoën fut complète. Ce dernier aussi " conçut une si grande
estime de la sainteté de l'abbesse de Pavilly qu'il ne se servit plus désormais d'autre linge à l'autel qu'il n'eust esté lavé par ses bonnes religieuses. " Et dans un récit tout empreint des croyances scandinaves, où le génie dont Philibert fut l'innocente victime est incarné en un loup qu'Austreberte dompte à son tour, les légendaires rapportent que les religieuses de Pavilli se servaient d'un âne pour porter ce linge laver en un ruisseau auquel Autreberte a laissé son nom. Mais, certain jour, disent-ils, un loup se jette sur lui et l'étrangle! Aux cris de sa monture, Austreberte accourt; elle étend la main sur le meurtrier et lui ordonne de se charger du fardeau de sa victime. Le loup obéit sans murmurer et, jusqu'à sa mort, il remplit les fonctions de l'âne(2).
Cette fable, reflet de la lutte de la civilisation contre la barbarie si souvent rappelée dans les légendes, et dont le
sens historique et moral ne saurait échapper ici, donna naissance à la confrérie de Saint-Jean-Baptiste dite aussi du Loup Ver ou Loup Garou(3), dont les fêtes, encore célébrées de nos jours à Jumièges, l'étaient avec non moins d'éclat au moyen âge, dans l'église Sainte-Austreberte de Montreuil.
Le 23 juin, le président de la confrérie du Loup Ver revêtait une large houppelande verte et se coiffait d'une tête de
loup aux yeux rouges et à la gueule ensanglantée; puis, portant une charge de linge, il se mettait en marche à la tête de ses confrères et, précédé de la bannière de l'association, montait des bords de la Canche par la rue dite pour cette raison du Ver Montant jusqu'à l'église Sainte-Austreberte en chantant l'hymne de Saint-Jean. |
L'ÉGLISE DE L'ABBAYE ROYALE
DE
SAINTE-AUSTREBERTE
A MONTREUIL-SUR-MER
SON HISTORIQUE, SA DESCRIPTION, SON TRÉSOR
PAR
AUG. BRAQUEHAY
ABBEVILLE
IMP. DU " CABINET HISTORIQUE DE L'ARTOIS ET DE LA PICARDIE "
I892
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Extrait du "Cabinet historique de l'Artois et de la Picardie", 1892.
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Extrait du "Cabinet historique de l'Artois et de la Picardie", 1892.
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Notes :
(1) V. La vie parfaite de Sainte-Austreberte, par le R. P. Simon Martin, p.503 suiv. et Notice historique sur
l'abbaye de Sainte-Austreberte à Montreuil, par le chanoine Parenty et Gallia Christiana, t. X, p. 341.
(2) P. Giry. La vie et les miracles de Sainte-Austreberte, vierge, première abbesse de Pavilly.
(3) Loup garou, du suédois -ver homme et voif loup. Littré.
(4) V. Ph. Le Bas, Dict. Encycl. t. VIII, p. 13 ; baron de Calonne, Souvenirs et légendes du pays de Montreuil, p.
17; l'abbé Meunier, Hist. de Marconne, p. 47 et Vie de Sainte-Austreberte, p..258 et suiv.
(5) Bibliothèque Henneguier.
(6) Doit-on attribuer ce désastre à un tremblement de terre ? On hésite à le croire bien qu'on en trouve un exemple
dans nos annales à la date du 15 septembre 1692. V. La Montreuilloise I883, n° 67.
(7) Margherite de Créqui, citée comme abbesse dès 1443, mourut le 10 décembre 1473. Elle était fille de jean, sire
de Créqui, de Fressin et de Canaples, conseiller et premier chambellan de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui le nomma chevalier de la Toison d'or, à la première création qu'il en fit à Bruges en 1420. Jean le suivit au siège de Calais en I436, fut envoyé, en 1460 porter le collier de cet ordre au roi d'Arragon ; fut ambassadeur auprès de Louis XI en 1464, et se trouva à la bataille de Montlheri l'année suivante. Il mourut fort âgé en 1474.
(8) Antoine de Heghes reçut ii cette occasion un titre de noblesse et porta dès lors de gueules, au lion d'or, entouré
de huit besans d'or, armoiries parlanles.rappelant suffisamment l'investissement de Montreuil et les combats sanglants qui furent livrés sous les murs de cette ville.
(9) Mémoires de Martin du Bellay.
(10) Françoise de Boufflers était presque jubiliaire dans la charge d'abbesse lorsqu'elle décéda le 19 janvier 1551. Elle
était fille de Jacques, seigneur de Boufflers, de Cagni et de Campigneulles, l'un des p1us vaillants capitaines de son temps, et de Péronne de Ponches, fille de Pierre, chambellan du roi.
(11) Madelaine de Monchy, fille de jean, site de Montcavrel, baron de Sempy, commandant des Villes d'Ardres et
d'Étaples, et de Marguerite de Bourbon, dame de Rubempré, était religieuse urbaniste à Pont-Saint-Maxence, près de Beauvais, lorsqu'elle fut appelée par Louis XIII à prendre la direction de l'abbaye de Sainte-Austreberte qu'elle conserva de I620 au 27 avril 1628, époque de sa mort.
(12) Saint-Paul-les-Nonains, abbaye de Bénédictines située près de Beauvais.
(13) La vie parfaite de Saincte-Austreberte, p. 530.
(14) Charlotte Cécile de Monchy couronna l'oeuvre de la réforme de son monastère d'après la règle du Val de Grâce,
à Paris, que sa soeur avait commencée sous la R. M. Marguerite d'Arbouze. Elle mourut le 16 février 1648 à l'âge de quarante ans. Pendant son séjour dans la capitale, elle eut de fréquents rapports avec la reine Anne d'Autriche, la princesse Catherine de Lorraine, abbesse de Remiremont, et Madame d'Elbeuf, abbesse de Notre-Dame de Soissons.
(15) La vie parfaicte de Saincte-Austreberte, p. 541.
(16) Marguerite le Boucher d'Orsay, fille de Charles, conseiller en Parlement, et de Marguerite de Bourbon, nommée
abbesse le 10 septembre 1694 en remplacement de Madelaine-Angélique de Gouffier, démissionnaire, dut sa nomination autant à ses brillantes qualités qu'à la haute protection de la marquise de Montchevreuil, née le Boucher d'Orsay, qui, pour avoir refusé de faire sa cour à Madame de Montespan, était devenue l'amie de Madame de Maintenon et avait été nommée gouvernante de Mademoiselle de Blois peu de temps avant le mariage de cette dernière avec le duc de Chartres, tandis que son mari, qui avait été témoin au mariage de Louis XIV avec Madame de Maintenon, était lui-même nommé gouverneur du duc du Maine. Madame d'Orsay mourut le 2 octobre 1734, à l'âge de quatre-vingt-sept ans et demi.
(17) Cette religieuse fut inhumée au no XVII de l'ancien dallage de la chapelle de l'Hôtel-Dieu. Elle était agée de
cinquante-deux ans et exerçait les fonctions de " chapeline " de Madame d'Orsay depuis trente-trois ans.
(18) Barbe Marcotte de Sainte-Flavie, discrète, fille d'un procureur de Montreuil, mourut le 10 février I763 à l'âge de
soixante-dix-sept ans et dix mois, dont cinquante-huit ans de profession.
(19) La Chronique de l'abbaye de Sainte-Austreberte fournit de nombreuses preuves de l'attachement des religieuses
pour leur cloître. L'estime de notre état et l'amour de notre maison seuls, écrivent-elles lors de leur rentrée dans la partie à peine restaurée de leur abbaye après l'incendie de I737, nous y tenoient si fortement attachées que nous ne l'eussions pas quittée pour toute chose au monde.
(20) Agathe-Madeleine-Alexandrine de la Motte, fille d'Esprit-joseph et de Marthe-Ursule du Blégiers d'Antelou, était
religieuse de l'ordre de Citeaux à l'abbaye de Sainte-Madeleine à Carpentras, sa ville natale, quand, sur la demande de l'évêque d'Amiens son frère, elle fut nommée abbesse de Sainte-Austreberte, le 2 décembre 1734. Elle ne prit l'habit de l'ordre de Saint-Benoit que le 24 juin 1735, sitôt après son arrivée à Montreuil. Sa famille, originaire de Vicence, s'était retirée dans le comtat Venaissin vers le milieu du XVe siècle ; c'est alors qu'on donna son nom italien Aureliani la forme française d'Orléans. La dénomination de la Motte provint plus tard d'une terre acquise par un membre de cette maison.
(21) Marie-Marguerite Havet de Sainte-Cécile, décédée prieurs le 29 mai 1750 à l'âge de soixante-treize ans,
professe de quarante-huit ans et demi.
(22) Marie-Louise Calippe de Saint-Benoit, décédée le 24 mars 1764 à l'âge de soixante-sept ans et neuf mois
professe de trente-huit ans.
(23) Marie-Antoinette Quiénot de Sainte-Scholastique, décédée prieurs le 8 janvier 1776 à l'âge de quatre-vingt-six
ans, professe de soixante-deux ans et demi. Cette religieuse était tellement attachée à son monastère que, de retour de ses voyages en Flandre et en Artois, elle disait à qui voulait il entendre, que dans le cours de ses périgrinations elle n'avait point vu de maison " qui valût Sainte-Austreberte. "
(24) Jean le Mercier, né en 1693, et Jacques son frère, né en 1706 et marié à Marie-Françoise Bacon, étaient fils de
Jean Le Mercier et de Marie Harlay.
(25) Cette religieuse décéda le 28 novembre y;; à l'âge de trente-neuf ans et demi et dans sa vingt-deuxième année de
profession. Le 4 décembre 1739, la R. M. Marie de Gosson de Rumenville, prieure, mourut à l'âge de soixant-neuf ans et dans sa quarante-cinquième année de profession également des suites d'un saisissement et d'une chute occasionnés par l'incendie de 1733.
(26) On peut citer parmi celles-ci miss Waren de Corduff de SainteAgathe; Sara, Henriette et Marie Turner;
Clémentine et Sara-Thérèse Plunkett de S. François de Sales ; Marie Larck; Wolchanchel et sa soeur ; Marie- Madeleine Caning de Wissorck de Saint-Agnès; Sara King; Lenthall; Statfort; Haking; Wipon et Marie-Anne Guedon. Le pensionnat de Sainte-Austreberte amena à Montreuil le séjour d'un certain nombre de familles anglaises entre lesquelles la famille Plunkett. Élisabeth Plunkett, femme de grand mérite, née à Montreuil , fut guillotinée à Arras en juin 1794, à l'âge de trente-six ans. (V. Paris, Hist. de Lebon, t. II, p. 209). Lamartine (Hist. des Girondins, liv. 53) parle aussi de l'exécution à Arras, de deux Anglaises du nom de Plunkett.
(27) Anne-Rénée-Marie Jouanne d'Esgrigny, née à Montreuil le 3 mars 1717, de Jean Réné, sieur d'Herville, capitaine
de cavalerie, et d'Anne Lefèvre, fille d'Arnoul, seigneur de Pénin, mestre de camp de cavalerie, mariés à Montreuil le 22 février de l'année précédente. Aînée d'une nombreuse famille, elle entra au pensionnat de Sainte-Austreberte à l'âge de douze ans, devint postulante à quatorze ans et religieuse deux ans plus tard. L'abbé J.-B. Hacot la mit en possession de l'abbaye le 16 février 175 7 et Mgr d'Orléans de la Motte la bénit le lendemain dans la chapelle provisoire. Le dernier abbé de Doudeauville fut un Jouanne d'Esgrigny.
(28) Anne Lamoureulx de la Javellière de Saint-Fulgence était religieuse professe de l'abbaye de Saint-Paul près
Beauvais depuis vingt ans, quand à l'âge de 42 ans, elle fut nommée abbesse le 22 aval 1760.
(29) L'église abbatiale de Saint-Saulve, à cause de son ancienneté et de ses dimensions, Notre-Dame, connue
paroisse principale et aussi le siège du pélérinage de Notre-Dame de Grâce dont l'existence est antérieure à celui de Cambrai; les chapelles de l'hôtel-Dieu et de l'hospice des orphelins, pour inviter les fidèles à faire plus particulièrement leurs aumônes à ces établissements, furent les églises désignées par l'évêque pour les stations du jubilé à Montreuil.
(30) L'abbé Maury acheva au séminaire de Saint-Louis à Paris, ses études commencées au collège des Carmes de
Montreuil, sa ville natale, et chez les jésuites d'Amiens. En 1767, il soutint avec éclat à l'abbaye de Saint-André-au- Bois, en présence de Mgr. d'Orléans de la Motte, une thèse sur les mathématiques. Vicaire de la paroisse de Saint- Josse-au-Val, chanoine de Saint-Firmin, coadjuteur du directeur de l'hôtel-Dieu en 1776, directeur de l'abbaye de Sainte-Austreberte en 1781, l'abbé Maury représenta cette dernière maison aux élections de 1789. De retour d'Allemagne après la Révolution, il fut nommé vicaire de l'église Saint-Saulve.
(31) Ces pierres furent jetées par des enfants, imprudents mais fidèles interprètes des sentiments de leurs parents
envers Le Bon. L'un des acteurs de cette scène nous a raconté qu'il dut son salut, ou plutôt celui de ses parents, à l'agent de service au club qui, témoin de la colère de Le Bon, feignit de le poursuivre et le laissa ainsi s'échapper.
(32) Les programmes de cette distribution de prix, imprimés chez Boulanger-Vion, d'Abbeville, annoncent que cette
solennité aura lieu " dans la salle de Saint-Sauve ". Ils ont toutefois été rectifiés à la plume et portent " salle Sainte- Austreberte. "
(33) Corresp. de Napoléon 7684. L'ex-abbé Ratel, bien que condamné à la déportation, puis à mort par les
commissions militaires, venait souvent d'Angleterre à Paris, où il habitait avec une femme et une petite fille rue Saint-Paul, dans la maison Cornus, beau-père d'un M. Ledru, négociant, qui, à cette époque, parait royaliste. M. Ledru, père de M. Ledru-Rollin,étaitl 'homme d'affaires de Ratel. C'est lui qui lui envoyait sa correspondance quand il était en province. V. Comte de Martel, les historiens fantaisistes, M. Thiers, histoire dit Consulat et de l'Empire p. 266 et suiv.
(34) La vue de l'église Sainte-Austreberte dessinée par Duthoit., lithographiée par Eug. Cicéri et parue dans la même
publication, ne peut qu' être mentionnée ici à cause du peu d'exactitude qu'elle présente dans certains détails.
(35) Avant 1789, Montreuil avait son collège tenu par les pères Carmes. Ce collège était de plein exercice et occupait
cinq professeurs sous la direction d'un préfet. Il était entretenu à l'aide d'une subvention de 200 liv. faite par la ville et d'une rétribution mensuelle de 30 sols payés par chaque élève. La Révolution le fit disparaître. Le citoyen Léger, ancien prêtre, essaya de le rétablir vers 1800; mais son institution eut peu de succès. Cédant aux voeux de la population exprimés par le Conseil d'arrondissement, M. l'abbé Isidore Loeuillet né à Campagne-lès-Hesdin en 1767, prêtre en 1791, déporté, puis desservant d'Ecuires et de Beaumerie, installa dans l'ancienne maison du comte de Hodicq, ancien représentant de la noblesse aux États-Généraux (n°4 de la place de la Poissonnerie) un collège ou école secondaire communale ainsi constituée : Professeurs MM. 5e et 6e de mathématiques, le directeur; 1re et 2e de latin, Durlin joseph-Théodore, né à Fontaine-les-Boulonnais en 1764, ancien vicaire de Ligny déporté; 3e et 4e de latin, Roubier Alexandre, né à Calais en 1767, ancien prêtre déporté, puis desservant provisoire de Bezinghem et Enquin, et, 5e et 6e de latin, Durlin Jacques, frère du précédent, ancien vicaire de Verchocq, qui, de retour de l'étranger, exerçait clandestinement son ministère à Bois-Jean. En 1807, le nombre des élèves était de 6o dont 26 externes, 23 pensionnaires et 11 demi-pensionnaires. Le prix de la pension était de 400 francs et la rétribution pour les externes aisés était de 100 francs. Les pauvres étaient reçus gratuitement. M. l'abbé Loeuillet ayant dû se retirer en 1812, devant certaines exigences de l'Université, M. Léger rouvrit sa pension dans la maison rue de la Chaîne, où est actuellement l'école communale de garons. Mais le nombre des pensionnaires eut peine à atteindre la demi-douzaine, et la ville dut songer à prendre un grand parti. Sur la proposition de M. le comte Garnier des Garets, sous-préfet, MM. Bridé étant maire et Godefroi, curé-doyen, le Conseil municipal résolut ainsi l'établissement d'un collége dans la partie de l'ancienne abbaye de Sainte-Austreberte qu'il avait obtenue de l'État en 1824. M. l'abbé Lecomte, chanoine de Luçon, nommé directeur, l'inaugura en octobre 1828; mais, dès le mais de mars 1829, il se démettait de ses fonctions. M. l'abbé Pierre Delwaulle, curé de Conchil-le-Temple, accepta, le 22 avril, 1a direction du nouvel établissement, qui fut régulièrement constitué le 29 juin suivant, sous le nom de pensionnat de Sainte-Austreberte. Cet établissement, dirigé depuis 1873 par M. l'abbé Jules Macquet, successeur immédiat de M. Delvaulle, est aujourd'hui encore en peine prospérité.
(36) Autour de cette pierre on lit ces mots : Pries pour lame de Messire .... ourbiers . ..trespassa ...MCCC et XXXIX al
mois avril.
(37) La circonscription de la paroisse Sainte-Austreberte s'étendait depuis la rue d'Avignon, prés de l'ancienne porte
d'Artois ou Becquerel, jusqu'au lieu dit du Val-le-Roy " la fosse k Caudronniers où étoit anciennement posée la croix de Sainte-Austreberte... vers les arbres que l'on nommoit aussi anciennement les arbres de Sorrus et des carrières, auquel lieu il n'y a plus (1689) ny arbres ny carrières. " Ses limites étaient donc le couvent des Carmes attenant primitivement à la vieille enceinte prés Becquerel, la ruelle de Toulouse séparant l'abbaye de l'élise Saint-Wulphy dite des Carmes depuis le transfert de leur couvent en 1596, l'hôtel-Dieu dépendant pour la majeure partie de la paroisse Saint-Waloy, et la portion du Val-le-Roy comprise entre la rue du Château ou du Pont à rasoirs et la rue des Poullies où se trouve actuellement la poudrière.Ce qui restait de la paroisse Sainte-Austreberte après le siège de 1537, la peste de 1596 et la reconstruction du château et de l'enceinte fut réuni à la collégiale de Saint-Firmin qui alors fut érigée en paroisse. Toutefois, l'abbesse se réserva le droit d'y nommer seule et sans lavis de son chapitre alternativement avec les doyen et chanoines. Auparavant, la juridiction de la collégiale ne s'étendait que sur une partie des rues Saint-Firmin et des Bouchers et sur la rue Tire-Wic ou Tire l'huys, supprimée lors de la rectification de la route nationale n° 1 et ainsi dénommée, comme la rue du Wicquet, à causede l'existence d'une porte en cet endroit. " Tirel'huys! ", disait matin et soir le prévôt de la ghilde des portiers ou le mayeur au portier qui en avait la garde : de là le nom de Tire-Wic, altération de Tire ch'l'huys en idiome picard. Curés de Sainte-Austreberte connus : 1294, Jehan de Hesdin ; 1473, Jehan Casteler et Jehan le Canu ; 1596, Jehan Chéron et 1609, Guillaume Desjardin.
(38) Pour l'acquérir " la maison donna 1,300 livres; la mère sacristine, l'argent de la sacristie et tout ce qu'elle a pu
épargner 2,000 liv. et 250 " livres produit d'une quête que l'on a faite entre toutes les religieuses. Arrivé de Paris le 2 novembre 1779, il ne fut posé sur l'autel et béni par l'abbé Danguillaume, que le 18 octobre 1780. Ce pieux souvenir d'une abbaye célèbre est aujourd'hui relégué dans un coin ignoré de l'église Saint-Saulve.
(39) Ce tableau est maintenant a l'autel de la chapelle de la Vierge l'église Saint-Saulve.
(40). M. Michel Braquehay, l'Abeille de la Morinie, revue, année 1851, p. 106
(41) Ces pertes sont d'autant plus regrettables que les anciens linges d'autel sont devenus rares aujourd'hui. V. l'abbé
Cochet. L'autel chrétien, étude archéologique et liturgique. Revue de l'Art chrétien, t. XXXIV.
(42) Ces sortes de travaux étaient le plus souvent de véritables objets d'art.
(43) Extrait d'un manuscrit de la bibliothèque de Rouen cité par M. l'abbé Meunier, op. cit. p. 145.
(44) Villefranche de Conflent, ville forte de l'arrondissement de Prades, sur le Tet dans la vallée de Conflent.
(45) Les nouvelles fleurs des vies des Saints recueillies par le R. P. Ribadeneira et augmentées par le R. P. Simon
Martin, t. I, p. 2 09. Paris 1667.
(46) Ribadeneira. Les nouvelles fleurs des vies des Saints, t.II,p.450.Paris 1667.
(47) La Sainte Face ou la Véronique était exposée à la vénération des fidèles sous le nom de Vera Icon, le vrai
portrait. Le peuple, par une transposition de lettres, appela ce voile Veronica, et on donna le nom de Véronique à la femme qui aurait recueilli cette précieuse relique. Alfred Maury, Croyances et Légendes.
(48) Bulletin du Comité, n° 2, 1853; ibid. n° 4, 27 mars 1854.
(49) M. Léon Gaucherel a gravé la crosse de Montreuil pour la Statistique monumentale du Pas-de-Calais, d'après les
dessins de M. de Linas. Ces dessins ont été plus ou moins fidèlement reproduits par M. Duthoit pour le Bulletin du Comité des arts, par le R. P. Arthur Martin dans ses Mélanges archéologiques, t. IV et par l'abbé Texier dans son Dictionnaire d'orfévrerie.
(50) L'abbé Martigny, Dictionnaire des Antiquités chrétiennes, art. Pedum et Insignes de Evêques, IV, 5.
(51) Dom Martène, De antiquis ecclesiae ritibus, t. III, p. 23, 33 et 43 cit. par M. de Linas dans le Bulletin des
Antiquités départementales du Pas-de-Calais.
(52) Barbier de Montault. L'Église royale et collégiale de Saint-Nicolas, à Bari, ap. Revue de l'Art chrétien, t.
XXXIV, p. 456.
(53) Madelaine-Angélique Gouffier fut abbesse de Sainte-Austreberte, de 1648 à 1694, époque où elle se démit
entre les mains du roi. Elle mourut le 21 août 1702, professe de cinquante-neuf ans et âgée de soixant-quinze ans. Son père, Henri-Marc-Alfonse-Vincent Gouffier, seigneur de Crèvecoeur, Bonnivet, Casabel, né à Venise en 1586, avait été tenu sur les fonts par les ambassadeurs de France et de Portugal, au nom de leurs princes, et par la République de Venise et le duc de Mantoue, qui lui imposèrent chacun un nom. II fut brûlé par accident au château de Benieulles; la nuit du 22 au 23 mars 1645, avec sa femme, Anne de Monchi; fille de Jean, seigneur de Montcavrel, et soeur des abbesses Madelaine et Charlotte-Cécile de Monchy. |
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