ARRÊT DU PARLEMENT
Rendu sur un procès fait par les religieux de Saint-Sauve contre les
maire et échevins de Montreuil, 8 janvier 1367.


MONSIEUR le baron de Calonne, dans le résumé succinct qu'il a tracé de l'histoire de la ville de Montreuil
pour le Dictionnaire historique et archéologique du département du Pas-de-Calais (Arras, Sueur-Charruey, libraire-
éditeur, 1875, p.367,constate que « l'institution de la commune créa (en face de l'abbaye de Saint-Sauve) unpouvoir
rival et jaloux qui fit aux moines une guerre de plusieurs siècles. L'échevinageentrava l'actiondeleur justice,qui était
souveraine jusque là, contesta leurs privilèges, mutila leurs franchises et finit par se débarrasser entièrement de leur
influence. »
C'est un épisode de ces luttes et de ces rivalités que je viens présenter aux lecteurs du Cabinet historique.
Les deux parties s'étaient réciproquement injuriées à propos d'une joûte à la quintaine faite sur la Canche,
probablement au mardi gras ou au premier dimanche de Carême de l'année 1366. On avait porté l'affaire devant le
prévôt royal et de là au Parlement et en la cour de l'officialité diocésaine, et il s'en suivit un arrêt de transaction,
ordonnant qu'on se ferait de mutuelles excuses.
J'emprunte le texte de l'arrêt à la copie qu'en a faite le moine de Samer, Dom Du Crocq, dans son manuscrit,
intitulé : Recherches historiques sur le Pays des anciens Morins,écrit de 1700 à 1715, pp. 516 et 517.
L'auteur s'exprime en ces termes :
« Voicy vn autre arrest du parlement qui condamne les Maires et Eschevins de la ville de Montreüil à faire
reparation à L'abbaye de Saint Sauve. La commission luy en fut donnée en 1366, par Charle Roy de France.
Carolus Dei gratia francorum Rex.. dilectis et fidelibus gentibus salutem etc.
« Sur les discors pendants au, Parlement entre les Religieux, abbé et convent de l'Église de Saint Sauue en
Monstroil, tendans à fin civile et le procureur du Roy à toute fin d'vne part, et les Maires et Eschevins de la ville de
Monstroel, Jean Le Coq, Jean de Mieurre, Gille Le Conte, Jacque Gondin, Guillot de La Mote, Gille Golain,
Willaume de Mieurre, Jean de Vironchaux etc., habitants de la dite ville tant conjointement comme diuisement et
pour tout comme à çacun puet touquier d'autre part, sur le poursuitte que Li dits religieux et Procureur font contre
les Maires et Eschevins dessus dits pour plusieurs iniures que li dits Religieux et Procureur dient auoir esté faites et
dites à Robert de Corbie lors leur Gardien, et à aucuns des Moines et Religieux de la dite Eglise sur le riuiere de
Canche courant emprez la dite ville de Monstroel pour raison d'vne pale quinctaine ou Estaque figuié(1) en le dite
riviere pour jouster à la quinctaine (c'est-à-dire cinq contre cinq (2)) et aussy sur le poursuitte que font li dits
Religieux contre Pierre Courtois, Eschevin de le dite ville, Ernoül de Galamers et Jean Hachin varlet d'icelle pour
plusieurs iniures et offenses que Li dits Religieux et Procureur dient auoir esté faites et dites par Jceux en le personne
de Monsieur L'abbé à aucun des moines de le ditte Eglise et à leur Gardien en vne tente ou pavillon étant en vne
place que on dit Le place de Saint Sauue deuant L'Esquevinage de le dite ville en vne feste de Pentecouste.
« Traitté est et accordé, s'il plaist à la cour, entre icelles parties des discours dessus dits en le maniere qui s'ensuit.
C'est à sçauoir qv'en un iour de procession generale qui sera en le ditte ville, Les dessus nommés Jean Le Cok, jean
de Mieurre, Gille Le Conte, Jacque Gordin, Guillot de La Motte, Gille Gollain, Willaurne de Mieurre, Jean
Vironchaux, Tassain Raimbert, Migniel(3) Gollain, Ernoül de Galamers et Jean Hachin seront En vne maison de
assez prez de le dite Eglise, c'est a sçavoir en L'hostel de la fleur de Lys ou en le balle de le dite ville, et de là se
partiront cacun un cierge ardent de quatre livres pesant en se main et iront au mitan de le procession iusques en
L'Eglise à la personne de Monsieur L'abbé, le quel ils trouveront à la porte du cueur de le dite eglise, couuert de
mitre, en chappe de soye et son crosse à le main, et ses Rx. en chappe de même, et là diront ou feront dire leurs
caperons abbatus sans defourmier.
« Monsieur L'abbé nous nous estes tenus mal content de nous pour aucunes parolles ou iniure que auscuns de nos
compagnons Religieux de cheens et à vo Gardien tant en le riviere de Canche comme ailleurs : nous vous prions
deuotement de cuer et humblement en l'onneur de Dieu et de l'Eglise que il nous plaise à le nous pardonner, et en
signe de vraye humilité et d'amende à Dieu et à L'Eglise, nous offrons ces cierges à Dieu, à L'Eglise et à vous. » Et
alors Messire li abbé dira et repondra : Biau seigneur, nous sommes toukié de le bonne deuotion, humilité et
contrition que nous veôns en vous et pour ce en l'onneur de Dieu et de sainte Eglise nous nous y reçcuons et de bon
cuer les nous pardonnons, Et par ainsy se partiront de L'Eglise pour ardoir en icelle sans fraude par dimenche et
iours feriaux, tant qu'ils seront ards et exiliés.(4) Et quant au dit Pierre Courtois et sur ce que les dits Maire et
Eschevins pours'uiuent Damp Jacques d'Amiens et Damp jean Roussel moines de le ditte Eglise en la cour de l'église
pour aucunes iniures dites par eux moines des dits Maire et Eschevins.
« Sur quoy aux pourcas (à la poursuitte) desdits Religieux abbé et conuent, avenu (5) procez sont mûs par devant le
Prévost de Monstroel et enuoiés au parlement, et depuis renuoié pardeuant ledit Prevost de Monstroel, pendant
lequel procez, le procez estant en le cour de L'Eglise est à sçauoir deuant L'official d'Amien, surseoït que li dit Pierre
Courtois venra par deuant Mr. L'abbé en se cambre et li dira : « Monsieür L'abbé uous uous estes tenu mal content
de my pour aucunes parolles ou injures que nous dites par my auoir esté faites ou dites à vous ou aucuns de vos
compagnons Religieux de Cheens en une tente qui étoit en le dite place, si vous prie humblement que il nous plaise à
me les pardonner. » Et lors messire li abbé dira et repondra « en l'onneur de Dieu et de L'Eglise, ie le vous pardoing.
»
« Et Les dits moines Damp Jacque et Darnp Jean diront a dits Maire et Escheuins qui là seront presents. «
Sire Maire (Jean Cadel) et vous Eschevins vous nous tenez mal contents de nous pour aucunes parolles iniurievses
que nous dites nous avoir dites de vous : plaise vous sçauoir que nous ne sçauons que nous en ayons dit fors bien et
honneur, ne autre cose ne sçauons en vous : mais nous tenons pour prûdhommes et Loyaux : » et se aucun des dits
moines étoit absent, li dit abbé seroit tenus une autre fois de luy faire dire les dites parolles, luy revenu; et par ce
cesseront et seront du tout mis au nient tous procez et informations et s'en dep ortent les dites parties sans depen.. »
«Et à la fin il y a ces parolles enLatin qui font veoir en quel temps ce differend a esté terminé. Datum Parisiis
octavo die Januarii, anno 1366. et regni nostri tertio(6) : et au bas ont signé Guillaume et Denys. Willelmus et
Dionysius. Plusieurs signeront encore ce traitté comme l'on voit dans une piece public de Thomas Alodi, entr'autres
Arnovl abbé de St. Josse(7) Jacque de Frene(8) doien de St. Firmin Robert de St. Aubin curé de St. Waloy; Jean
de Quesebronne(9), Prevost Royal. Jean L'Emel homme d'arme et Jean de St. Michel Le ieulie tous inuités. »

Pour extrait conforme

D. HAIGNERÉ.


(1) Lisez fiquié, c'est-à-dire fiché ou planté.
(2).Note marginale : Combat sur l'eau à la lance entre cinq chevaliers contre cinq autres.
(3).Lisez : Miquiel.
(4)esiliés, c'est-à-dire usés, consumés.
(5)Lisez aucuns.
(6) La date est vieux style et doit s'eiltendre du 8 anvier 1367, qui était effectivement dans la troisième année du
règne, commence le 8 avril 1364.
(7)Ernoul Pesel, abbé de Saint-josse-sur-Mer, plusieurs fois cité dans l'Inventaire des chartes d'Artois, depuis le 7
février 1359 (A. 687) jusqu'en 1372 (A. 751).
(8) Lisez : Frenc (Frencq, canton d'Étaples).
(9) Probablement Qnestebronne.





Retour à la page d'accueil
Retour en haut de la page
Dernière modification de cette page : 27/08/01